Jérôme De Boeck

Voyage entre haut niveau et blessures

Jérôme De Boeck est un nom qui résonne aux oreilles. Dans un passé pas si lointain, c?est Jérôme qui s?est octroyé les plus durs enchaînements belges en escalade sportive. Depuis lors, nombreux sont ceux qui résorbent la distance qui les sépare de ce niveau. Une blessure très grave au poignet empêche provisoirement Jérôme de défendre sa position mais son parcours de grimpeur, fait de très haut et de très bas, présage encore de bon espoirs. Nous avons retracé le fil de cette carrière et lui avons demandé son regard sur cette évolution.

Jérôme fait ses premiers pas sur un mur d?escalade à l?âge de 9 ans alors qu'il participe à un stage multi-activités squash/escalade. Il enchaîne immédiatement avec des cours, une fois par semaine, avec Guy Carbonelle du CRAJ à New Rock, Bruxelles. Puis, après un déménagement à Ath, il grimpe à la salle Altitude CCM de Braine l?Alleud une fois par semaine et fait beaucoup de vélo pour aller à l'école (ce qui a aidé pour sa condition physique)! En 2002, il a 16 ans. Il revient habiter à Bruxelles et prend un abonnement à Stone Age. Il grimpe alors dans le 7a. C?est là que débutent les choses sérieures avec cinq séances de grimpe par semaine.

En 2003, il termine troisième au Championnat de Belgique et rentre dans l?équipe Stone Age et l?équipe nationale avec Flo (Florian) Castagne, Lara De Backer, Mathilde Brumagne,? Les entraînements avec Christophe Depotter portent leurs fruits. L'été, il inscrit sur ses tablettes ses premiers 8a et 8a+ aux Gorges du Loup en France, où ses grand-parents résident.

En 2004, il enchaîne en février à Buoux La Rose et le Vampire, 8b, le jour de son anniversaire, et dans la foulée, s?octroie pour la première fois le titre de Champion de Belgique junior. C?est aussi l?année de la première grande blessure. De septembre à janvier pas vraiment de grimpe, une blessure à une poulie main gauche qui a traîné... Première frustration d'une longue série de blessures... En plus, dès septembre commencent des études de mathématiques à l'ULB.
 
La progression continue tout de même en 2005 avec le premier 8a à vue, Du glucose pour le moineau et son meilleur résultat en Coupe d'Europe jeune : 2ème à Penne. Une fois encore l'année est entrecoupée de plusieurs blessures et d'un accident... Une corde trop courte en redescendant d'une voie, 5 mètres de chute à plat sur le dos... Heureusement, Jérôme s?en sort avec un mois d'arrêt et quelques points de souture au coude.
 
2006, de nouveau en forme, il sort On se pête la ruche, un 8b+ à Omblèze. Pour l'anecdote, le jour où il sort la voie, Hube était venu faire quelques photos. S?en suit une course à la remontée au jumard pour déclipper les dégaines après que Jérôme ait enchaîné tous les crux pour la première fois. Il passe de justesse entre ses jambes et clippe le relais. 2006 est aussi l'année où Jérôme commence à ouvrir des voies à Stone Age. Une chose qui lui a apporté beaucoup. Et le mauvais point de l?année ? Une blessure aux ligaments intercarpaux. Trois mois sans grimpe, et ça seulement parce que la corde s'est tendue autour de ses doigts alors qu'il était en train de pomper en falaise...
 
En 2007 Jérôme se met à ouvrir en compétition. Il suit la formation d?ouvreur international donnée par Jacky Godoffe (il remercie au passage le CAB pour son soutien). A Pâques, Jérôme est dans le Tarn avec Flo (Florian Castagne). Il grimpe avec l?équipe nationale jeune, étant trop vieux pour être dans l'équipe. Christophe Depotter, qui coache le stage, le motive à réessayer, après quelques essais peu convaincants, Adieu Wolfgang, un 8c que les locaux lui avaient conseillé. (Merci à Chris pour l?avoir un peu boosté!)
 
En 2008, il commence à étaler ses années d'études pour avoir plus de temps à investir dans l?escalade. Après de longues semaines d?entraînement essentiellement seul, il finit 2ème au Championnat de Belgique senior, l?incontournable Nicolas Favresse devant lui. Cette année-là Gabor Szekely est de passage en Belgique et devient le compagnon de cordée de Jérôme. C?est le Hongrois qui le pousse dans des niveaux jamais tentés jusqu?alors. C?est chouette d?aller en falaise avec des gens plus forts que soi pour se motiver et ne pas se mettre de barrières.
Début juin, il s?est de nouveau blessé une poulie à force de faire le hamster sur le pan de Stone Age. Début juillet il part tout l'été chez ses grand-parents aux Gorges du Loup où il recommence à grimper après 6 semaines de pause. Gabor est dans le coin et ils travaillent beaucoup de voies ensemble. Motivation maximale, Jérôme enchaîne à son troisième jour d'affilée Ultimate Sacrifice, 8c+ que Gabor avait fait quelques jours plus tôt.
Après ça, ils partent 2 mois en octobre et novembre, d'abord à Santa Linya où Jérôme fait trois 8c+, tous plus ou moins « faciles » mais il préfère ne pas se mêler aux discussions sur les cotations quand on voit l'ampleur que ça prend parfois... Ensuite en Suisse pendant trois semaines avec Dave Graham. C?était super intéressant de pouvoir rencontrer ce grand personnage de l'escalade qui a beaucoup de chose à raconter. Dave enchaîne un 8c bloc devant eux, une autre planète...

En 2009, il retourne à Santa Linya avec Siebe Vanhee fin février pour finir quelques projets qu?il n'avait pas réussi à enchainer. Après une grosse semaine de travail, il réussit La Fabela et Ingravid Serps Extension, tous deux 8c+. Chouettes cadeaux d?anniversaire (de nouveau) !  En compète, il gagne le Championnat de Belgique senior mais les blessures rattrapent Jérôme avant l'été : 6 semaines d'arrêt. Et en novembre, lors d'un trip avec Flo Castagne il se déchire un ligament dans le poignet. Son médecin l'a regardé avec des yeux ronds quand il a vu que ce ligament était déchiré tellement c'est rare. Opération le 23 décembre, broches pendant 6 semaines puis rééducation.

En mars 2010, Jérôme fait sa première séance, quelques 4, ça fait du bien de remonter sur le mur... Il espère faire ses premiers 6a en avril et surtout que les blessures soient derrière lui pour un moment. Comme il le dit lui-même : on va essayer d'être plus prudent comme certains me le répètent tout le temps :-)

 

Belclimb: Début mai Jérôme se retrouve dans les 7c de nouveau. Bonne nouvelle qui lui donne l?envie de parler un peu plus de sa blessure/ ses blessures?

Jérôme De Boeck: J'ai eu de la kiné pendant 2 mois pour remettre le poignet en mouvement, j'avais 5° d'amplitude au lieu de 180° après 6 semaines de broches! Maintenant il me manque encore un peu de mobilité mais j'ai assez récupéré pour recommencer à grimper. Je ne récupérerai peut-être pas toute la mobilité, on verra bien...
Aujourd'hui le ligament que j'ai déchiré est solide mais tout le reste autour est affaibli du fait de ne pas avoir bougé pendant si longtemps. En plus, c'est toujours difficile de savoir ce qui est bon ou mauvais à faire, les médecins et kiné connaissent souvent mal notre sport et ne peuvent pas souvent nous conseiller sur les niveaux/types de mouvements qu'on doit éviter. Seules choses à faire, mettre de la glace, s'étirer, et surtout, bien s'écouter, et tout devrait se passer pour le mieux. Pour rester raisonnable, il n'y a qu'à penser aux conséquences que ça pourrait avoir de trop forcer !

Le temps des blessures donne aussi le temps de penser à beaucoup des choses. On entend souvent parler des fédérations et si on entend parler d?elles c?est plutôt en critiquant. Quelle est ton opinion ?

Les fédérations font en fait le mieux possible. Mais quand même, j?aimerais bien voir changer certaines choses.
Dans la mesure du possible que les fédérations et les salles travaillent plus ensemble, plutôt que comme deux structures différentes. En France, la fédération possède un réseau de salles d'escalade. Cela lui permet d'organiser plus facilement des évènements et la fédération ne se retrouve jamais au pied du mur à ne pas avoir de structure pour accueillir ses compétitions.
Les problèmes d'organisation/ouvertures qu'il y a lors des compétitions pourraient souvent être évités s'il y avait quelqu'un à plein temps qui ne s'occupe que de la coordination d'évènements (question d'argent de nouveau).

Et la décotation, pourquoi exactement est-ce que tu n?aimes pas en parler ?

Je ne suis pas contre des discussions pour décoter des voies. Je suis perplexe par rapport à l'obstination de certains à vouloir savoir si une voie a exactement telle cotation ou exactement telle autre cotation.
Admettons qu'on prenne l'échelle de cotation française comme référence. Cette échelle sert à évaluer les difficultés de voie de 10 mètres, 20 mètres, 40 mètres,... dans de la dalle, du vertical, du léger dévers, du toit,... sur des roches comme le calcaire, grès, granit,... avec comme prises des trous, ou des colonnettes, ou des strates, ? Bref on essaie de mesurer avec une même échelle de difficulté quelque chose qui dépend de je ne sais combien de paramètres. On aura beau discuter, on pourra toujours aller chicaner. En plus il y a la joie des tables d'équivalence de cotations française, UIAA, américaine, etc... qui vient compliquer un peu la donne. C'est une discussion interminable qui n'a pas de sens pour moi en quelque sorte.
Donc je préfère ne pas trop me prendre la tête avec ça quand la conversation dure plus de deux minutes.

Tu viens d?encadrer un stage ouvreur en Iran. C?était un choc culturel?

Ce fut une expérience très intéressante. La formation s'est donnée à Téhéran, les gens là-bas étaient tous extrêmement accueillants et respectueux. Cela a été un peu difficile avec un bras en moins mais on a su s'organiser. Wim (Verhoeven) commençait la formation d'arbitres le premier jour ; la formation d'ouvreurs commençait le lendemain. Essi, un grimpeur iranien en a profité pour me montrer la région montagneuse au nord de Téhéran. A moins de deux heures on s'est retrouvé perdu dans d'immenses vallées désertiques. Il m'a fait découvrir quelques falaises locales et il y a apparemment pas mal de voies équipées. Pas encore beaucoup dans le haut niveau mais il y a un potentiel énorme et les paysages sont magnifiques (si on aime les paysages arides!).
Je donnais cours à une dizaine d'ouvreurs qui grimpaient entre 7b et 8b. Le but de ce cours de trois jours était de les préparer aux formations internationales en voie et en bloc. Je pense que certains d'entre eux ont déjà le niveau pour réussir les cours de l'IFSC. L'Iran prévoit d'organiser les Championnat Asiatiques Jeunes 2010 en octobre.

On comprendra à la lecture de cette page que Jérôme traîne une histoire turbulente derrière lui. Quelques semaines après cette interview une petite blessure a refait surface. On espère qu'il parviendra une nouvelle fois à se rétablir complètement et lui souhaitons beaucoup de courage et de patience pour son retour au haut niveau dont il fait clairement partie.

Tijl

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