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1% For The Planet

Capitalisme et activisme environnemental sont-ils vraiment incompatibles?

12 décembre 2006, 

Les Etats-Unis n'ont pas un cv très reluisant quand on évoque chez eux les questions de la protection de l'environnement et le combat contre la pollution de notre planète. Cette constat m'a été récemment confirmé par une connaissance américaine? (What do you say, Kyoto? How do you spell that?) Inutile pour autant de taper sur le clou: un des projets environnementaux les plus remarquables au monde y est né il y a 5 ans: 1% For The Planet (1FTP).

L'organisation en question s'inscrit dans une relation quotidienne avec notre environnement. Ne cherchez pas. Vous ne verrez jamais ses membres, et même les plus fervents, se poster sur des barricades ou armés de pelles et pioches en train de déblayer une plage goudronnée. Les membres d'1FTP sont majoritairement des dirigeants d'entreprise, managers ou indépendants. La liste est d'ailleurs multicolore: les uns fabriquent café ou produisent de l'énergie alors que les autres sont financiers ou enseignent le kayak,? Tous ont juré fidelité à l'association: ils reversent chaque année 1% de leur chiffre d'affaires à des projets écologiques. Un comportement qui trouve sa source dans le nom de l'association.

?Nous devons payer pour les dégâts que nous causons à l'environnement. C'est la raison pour laquelle nous n'attendons pas que nos gouvernements prennent des décisions. Nous cotisons nous-mêmes à un impôt peu importe que nous ayons des bénéfices ou pas du tout?. La vision de 1FTP est simple. Pas de tableaux compliqués sur les émissions de CO² ou sur l'élévation du niveau de la mer. Pas de palabres mais de l'argent.

Pura Vida fruit bar, lid van 1FTP

Chaque entreprise semble adapter cet idéal à sa propre sauce. Sunny Pitcher de Potomac Paddle Sport suit de son côté un raisonnement logique: ?Si les rivières ne sont pas entretenues correctement, nous ne pouvons pas donner de leçons de kayak!? Il n'est dès lors pas étonnant que son école de kayak accorde son soutien à des organisations qui s'occupent de la conservation de la rivière Potomac. Suit une explication un peu plus pragmatique: ?Nous avons besoin d'un environnement sain pour générer un bon chiffre d'affaires.?

There?s no business to be done on a dead planet!S'engager pour le milieu et faire du profit, deux préceptes entièrement liés pour les membres de 1FTP. Le site Internet de l'organisation ne cache effectivement pas cet état de fait. On peut y lire: ?There?s no business to be done on a dead planet?. Une sentence qui semble émaner tout droit du fondateur hyper-connu de 1FTP. Qui plus qu'un autre aurait pu en être l'auteur? 1FTP est née de l'idée géniale d'Yvon Chouinard. Le grimpeur, homme d'affaires et activiste, décida en 1985 que son entreprise Patagonia devait faire un effort supplémentaire pour l'environnement. Depuis lors la compagnie reverse annuellement 1% de son chiffre d'affaires ou 10% de ses bénéfices (en fonction du montant le plus important) à des projets écologiques ayant pour objet préservation du climat, de la nature sauvage et de la biodiversité. ?Depuis que je fais du bien pour l'environnement, je réalise des bénéfices", déclarera laconiquement Yvon Chouinard un peu plus tard. Son objectif est clair depuis cet époque: recruter un maximum d'entreprise donatrice. Et il y est parvenu.

En 5 ans plus de 400 entreprises se sont affiliées à l'organisation. Ces dernières années ont vu la croissance s'amplifier en dehors de toute comparaison. Alors que le public est de plus en plus sollicité par les préoccupations environnementales, les entreprises pensent devoir suivre en mettant la main au portefeuille. En filigrane l'espoir d'attirer quelques clients complémentaires grâce leur engagement. Précisément ce sur quoi 1FTP avait compté. Le consommateur fait pencher la balance. ?Quand un client peut choisir entre une entreprise affiliée à 1FTP et une qui ne l'est pas, nous espérons qu'il fasse le bon choix?, explique Terry Kellog, directrice de l'organisation. 1FTP utilise ainsi le marché à ses propres fins, celles d'un changement positif.

Yvon Chouinard (c) Ted Wood

5 ans après ses débuts ce changement semble porter ses fruits: de fin décembre 2004 à aujourd'hui le nombre de membres est passé de 76 à 455, une croissance supérieure à 400%. Ensemble ils engrangent un peu plus de 10 millions de dollars qui sont reversés chaque année à une série de projets écologiques de tout azimut. Notez que la primeur n'est plus exclusivement américaine: l'association compte déjà une cinquantaine de membres européens.

Isabelle Susini, porte parole en Europe, confirme que 1FTP sera inévitablement toujours plus importante aux Etats-Unis. ?Mais ils sont beaucoup plus,? nous fait-elle remarquer de façon narquoise. L'enthousiasme du recrutement de nouvelles entreprises ne décroît pas. ?Nous voulons doubler le nombre d'affiliés européens d'ici à fin 2007,? nous affirme-t-elle convaincue. Pourtant pas de campagne active en vue. ?Ce sont surtout les membres eux-mêmes qui assurent la promotion,? continue Susini. ?Les Vignobles Henri Bourlon ont imprimé le logo sur 250.000 bouteilles de vin, et le chanteur Jack Johnson en a fait de même sur ses CD, ? A côté de cela Ivon Chouinard a dédié un chapitre complet de son livre Let my people go surfing à l'organisation.? En cachette elle espère toutefois un effet Gore. ?Ce que Gore a réalisé avec son processus de conscientisation est véritablement incroyable. Peut-être que de nombreuses entreprises décideront de se faire membre à la vue du documentaire??

Reste la question de savoir si 1 FTP n'est pas un bon moyen pour les entreprises de se racheter une conscience verte? "Cela rentre finalement peu en considération," nous raconte Susini, "une entreprise qui s'affilie à 1FTP n'est pas forcément une compagnie verte garantie. Ce qui compte c'est qu'elle subsidie activement des projets écologiques. Cela semble de prime abord contradictoire, mais c'est la conséquence de nos racines américaines. Chaque entreprise est bienvenue même si elle produit du pétrole. Cela fournirait même un capital phénoménal!"

Yvon Chouinard (c) Ted Wood

Donner un coup de main à l'environnement par ce biais malgré ce qui sous-entend le plus la chose: le mécanisme de marché, l'économie toute puissante. Au départ d'une idée aussi simpliste Chouinard a bâti une organisation qui acquiert chaque jour plus d'influence. Maintenant que les esprits sont un peu plus mûrs (aidés par la succession de catastrophes naturelles et autres hivers chauds), nous pouvons espérer que de plus en plus d'entreprises se joindront à des initiatives semblables, ou au moins feront un peu plus attention à l'effet de leurs activités sur l'environnement. Pour le moment néanmoins aucune entreprise belge n'a posé sa candidature. Peut-être une bonne idée pour Guidone (célèbre mère de famille connue en Flandres pour son combat activiste pour la sauvegarde de l'environnement)?

Info: www.onepercentfortheplanet.org

MM

 


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