Crashpads

21 novembre 2002,

Historique

Les crashpads sont un phénomène plutôt récent. Récent comparé à la soixantaine d'années de pratique du bloc dans la forêt de Fontainebleau. Pourquoi n'existent-ils alors que depuis 10 ans ? L'utilisation de magnésie et la dynamique de l'escalade ont bien comparés les grimpeurs à des gymnastes depuis bien longtemps. Pourquoi alors avoir attendu si longtemps pour leur procurer des matelas tout droit issus des meilleurs clubs de gym ?

Lorsque j'ai vu pour la première fois un crashpad, j'ai trouvé cela plutôt ridicule. Voir arriver des grimpeurs avec leur grand matelas sur le dos avait de quoi faire rire. Où s'était envolée la pureté du bloc ? On avait beau dire, des problèmes comme Big Boss et L'Abattoir avaient également été grimpés sans l'aide de ce subterfuge. Comment donc expliquer la chose ? C'est sûrement mon style Old School qui avait pris le dessus: chaussons d'escalade, sac à pof et surtout absence de magnésie. J'avais tort, et c'est cette mentalité qui entraîna sans doute le développement tardif des crashpads.

Les crashpads étaient jadis des horribles compositions fabriquées à base mousses liés entre eux par des bandes d'autocollants. Dans certains sites de blocs (Squamisch, Canada) il s'agissait même de tapis placés en dessous des passages les plus importants. Et certaines des répétitions des classiques du Camp IV (Yosemite, USA) eurent la chance de se voir réalisées à proximité immédiate du Yosemite Lodge et de ses matelas providentiels. Ainsi par exemple Bachar Cracker.

C'est à Hueco Tanks aux Etats-Unis et à Fontainebleau qu'apparurent les premiers véritables pad people et que furent développés les premiers crashpads.

L'arrivée de ceux-ci s'inscrivait dans le renouveau de l'escalade et dans la pratique en indoor depuis le début des années '90: la pureté et la difficulté des passages furent de plus en plus recherchées en lieu et place de la grandiloquence des longues voies. Nous connaissons le résultat : une véritable renaissance du bloc. Cependant le grimpeur de bloc contemporain n'est pas pour autant celui du début: là où, il y a quelques années, il réalisait ses circuits en solitaire, il peut dorénavant travailler un même bloc pendant des heures entières. Toutes les aides sont donc permises. De là à considérer que le bloc est une discipline pour les fétichistes, il n'y a qu'un pas.

Pourquoi un crashpad ?

Pourquoi payer plus de 300 Euros pour ce qui n'est en réalité que quelques mousses reliés entre eux ? Une chute difficile en escalade peut rapidement avoir des conséquences désastreuses. Une chute ratée et c'est une cheville cassée si pas plus. Pas vraiment la fin du monde, mais comptez tout de même 6 mois d'arrêt.

Votre corps vous sera également reconnaissant après 20 jours de chutes continues. L'impact sur le dos, les genoux et les chevilles n'est pas à sous-estimer: les coureurs de fond utilisent des chaussures à coussins d'air, alors que les grimpeurs chutent de plusieurs mètres sur des sols en dur.

Les crashpads donnent également du padded courage: les voies les plus extrêmes nécessitent la répétition d'une chorégraphie bien huilée qui n'autorise aucun accro. Un peu de confort lors des essais dans une voie ne peut pas faire de mal. Et sûrement quand vous grimpez régulièrement en solitaire.

Pour conclure, ne sous-estimez pas non plus les qualités subsidiaires des crashpads: un crashpad est aussi un lit, un fauteuil ou une table qui rendent les soirées plus agréables.

Utilisation et sécurité

En temps normal, un crashpad est utilisé avec le côté dur vers le haut. Dans les passages bas ou déversants, il sera parfois plus confortable de l'utiliser avec la face douce orientée vers le haut.

Tout l'art consiste à placer votre crashpad au bon emplacement. Tout d'abord, chercher l'endroit où vous aurez le plus de chance de chuter. Ce n'est nécessairement l'endroit où pointent la grosse racine ou le morceau de rocher bien aigü. Exception faite dans les cas où la chute entraînerait blessure. N'oubliez pas que mieux vaut sortir la voie que de tomber... Trêve de plaisanteries, quand sortir la voie reste possible n'hésitez surtout pas. Votre dos vous en sera reconnaissant.

Dans les passages déversants, dynamiques voire élevés il n'est pas toujours facile de déterminer l'emplacement adéquat. Sur ceci quelques tuyaux. Tout d'abord, tentez une série de chutes contrôlées dans la voie pour découvrir le point de chute probable. Ensuite laissez tomber une petite pierre du sommet. Elle indiquera toujours le point de réception. S'il reste quelques grimpeurs dans les parages, utilisez leurs pads s'ils en ont. N'hésitez pas à demander. Les crashpads peuvent aussi être joints ensemble au moyen des velcros, placés autour des arbres. Admirez le belle mosaïque que vous aurez créée, une véritable oeuvre d'art. N'oubliez pas, tout est bon pour vous protéger d'une chute, ainsi va des sacs à dos et des vêtements. Soyez créatif mais faites attention à la stabilité de votre construction, par exemple en fixant votre crashpad à des rochers ou des racines bien ancrés. Les crashpads mal fixés ou tout simplement sur des pentes prennent souvent l'allure de planches de surf.

Beaucoup de grimpeurs font l'erreur de placer leur crashpad à proximité du rocher pour nettoyer leurs chaussures. Pour cela, utilisez un palaisson ! Certains fabricants améliorent leur pads avec des petits matelas. Intéressant mais pas vraiment utile. Un crashpad sert à chuter pas à avoir un départ confortable.

Attention, un crashpad n'assure pas une chute sans risques. Pensez que vous êtes safe est une utopie. Pour preuve un crashpad placé sur une racine dérobée et c'est la cheville cassée. Un petit trait de magnésie sur le pad sera bien utile dans ce cas-là.

Un crashpad est prévu comme zone d'atterrissage. Ne laissez rien dessus: pas de sacs à magnésie, pas de canettes, rien... Un mention supplémentaire pour les chiens ou les ami(e)s bruyants: chassez ces importuns !

Chuter sur un crashpad est tout un art qui s'apprend au jour le jour. D'une hauteur raisonnable en pliant vos genoux. De plus haut en vous roulant. Sur une dalle, essayez le plus souvent de faire un tour sur vous-même et "courir" vers le bas lors de la chute. Les cris et gestes incontrôlés sont autorisés.

Vous pouvez demander à quelqu'un de déplacer le crashpad pendant que vous évoluez sur le mur. Un morceau de corde accrochée au crashpad sera également un plus. Quand vous grimpez à deux, cela sera souvent votre meilleure option afin de garder le crashpad à son emplacement optimal.

Quel crashpad choisir ?

Pourquoi les crashpads sont-ils si chers ? Les crashpads nécessitent beaucoup de main d'oeuvre et les matériaux utilisés pour leur fabrication ne sont pas bon marché. Acheter soi-même un morceau de mousse de qualité revient souvent au prix d'un crashpad neuf. L'enveloppe du pad est elle-aussi constituée d'un matériel plutôt cher, le cordura dans la plupart des cas. Si vous n'avez pas besoin de dimension spéciale (par exemple pour un crashpad qui peut servir de lit dans le coffre d'une voiture), l'achat reste la meilleure alternative. A noter que les exigences qui sont demandées d'un crashpad ne sont pas négligeables: léger, absorbant et dur à la fois. Reste aux fabricants à combiner ces propriétés de façon la plus complète possible. Coutures doublées, matériel résistant, poignées super renforcées ou mousses interchangeables sont les caractéristiques des pads de qualité. En fonction de la taille et de la qualité, le prix variera entre 100 et 500 Euros.

Ocun Si vous devez choisir un pad, faites tout d'abord attention à sa dureté. Cela dépend naturellement de votre poids, mais en général le pad le plus dur est aussi le meilleur. Un truc consiste à se déplacer sur le pad et réaliser une série de petits bonds: vous ne devez sûrement pas toucher le sol avec vos talons.

En général, c'est le plus grand pad que vous pouvez porter que vous achèterez en définitive. Les monsterpads comme le Flashed sont sympathiques une fois que vous êtes couchés dessus mais pour le porter jusqu'au bloc... La taille dépend également un peu de votre style d'escalade. Si vous faites surtout des circuits, prenez de préférence un petit pad. Par contre pour le travail dans les voies, privilégiez un modèle plus grand.

Il existe trois catégories de crashpads: Américain, Européen et Triple-Pad. Les Américains ont une préférence pour les pads sans charnières qui se portent sur le dos, plus facile à nettoyer aussi. Exemples: Flashed, Cordless, Snap. Les Européens sont moins obsessionnels au sujet de ces charnières. Résultats: bandes pour les épaules et poignée pour les mains. Exemples: Beal, Holdz. Le Triple-pad quant à lui forme une catégorie un peu à part. Une sorte de couteau suisse du crashpad qui peut être transformé jusqu'en une petite chaise et qui peut être porté de toute une série de façons.

Zealot: LOve Cusheon Les pads Américains ont l'avantage évident de n'être composé que d'un seul et unique morceau. Pas de charnières sur lesquelles cognent vos coudes. Ceci a pour désavantage que la mousse doit être plus souple afin de pouvoir fermer le pad. Un design avec charnières peut par contre intégrer une mousse plus dure dans sa partie supérieure, ce qui assure une meilleure capacité d'absorption. Le Triple Pad prouve avec son ingénieux système de velcros qu'il peut facilement concurrencé les pads avec charnières.

Pour finir, n'oubliez pas toute la batterie des accessoires. Certains pads sont fabriqués avec une poignée afin de pouvoir faire glisser le tout lors de traversées. Sacoches pour les clés ou sac à dos spécial pour le port du pad sont aussi d'actualité.

Dans la mesure où les crashpads ne nécessitent pas beaucoup d'entretien, voici encore quelques astuces. Les crashpads peuvent également servir de lit, mais tenez compte du fait que la durée de vie de la mousse en sera réduite. Et si vous constatez un jour que la mousse est totalement plate, certains fabricants (BBZ, Cordless) vous proposeront des mousses vendus séparément. Demandez-leur gentiment, ils vous feront un prix...

Crashpads à la loupe

Pendant un beau week-end de septembre nous avons rallié Fontainebleau pour tester différents types de pads. Vu que le webmaster de ce site Internet n'a pas voulu consacrer son budget annuel à l'achat des crashpads, nous avons dû composer avec des pads d'emprunt.

Flashed (hors catégorie)

Flashed Avec plus de 2 m² de superficie et 5 pouces d'épaisseur, il est le préféré des fanas de big jump. Bien qu'il dispose d'un système de portage évolué, je doute qu'il n'ait à souffrir quelque peu de son sur-poids. Certaines coutures du système de portage et de fermeture se déteriorent un peu rapidement à mon goût. Par contre le pad lui-même est de top-qualité. Impossible de trouver un meilleur atterrissage ailleurs. Un vrai luxe comparable au confort des matelas de salles de bloc.

SOeScalade

Snap Clairement le moins performant de tous. Le seul point positif du lot est son prix avantageux. Bon marché donc, mais la mousse est de pauvre qualité et les systèmes de portage et de fermeture ont montré leur point faible à maintes reprises. Les réparations sont pour le moment gratuites à Fontainebleau. Avec de la meilleure mousse, ce pad serait une bonne alternative à Snap.

Snap

Les pads de Snap sont déjà plus intéressants. Il s'agit de pad Américain sans charnières. Relativement solide, mousse convenable et ni trop dure ni trop douce. Le compromis est trouvé à tous niveaux, mais rien ne transparaît du lot. Un bon rapport qualité/prix pour un pad plutôt populaire en France.

BBZ Triple Pad

Triplle Pad Un pad inhabituel en trois parties qui fait ses preuves lors d'un usage quotidien. BBZ possède un sérieux souci du détail: toutes les coutures sont doublées, plusieurs méthodes de portage sont offertes, le pad peut facilement être transformé en petite chaise. Les seuls petits accessoires manquants sur un pad de cette qualité sont des anneaux de fermeture. Les pads sont fabriqués dans la Mecque du bloc Fontainebleau (voir aussi l'interview). Tant le revêtement que la mousse sont de la meilleure qualité et le pad est manifestement assez dur. BBZ développe du matériel tendant à la perfection, sans toutefois faire appel aux dernières technologies sur le marché.

Beal

Béal Beal possède depuis peu une gamme complète de produits dédiés au bloc: sac à dos, crashpad, giga-sac à magnésie. Beal ne se limite pas à offrir de la qualité mais propose également un design sobre. Un pad simple avec de la mousse de première qualité. Dans le cas présent, il s'agit d'un des pads les plus durs. Détail non négligeable: la fine protection imperméable qui protège votre pad contre le déchaînement des éléments naturels.

Conclusion

D'un point de vue qualitatif les pads Beal et BBZ sortent grandement vainqueurs et sont à conseiller aux bloceurs purs et durs. Le pad Snap semble en tous points suffisants et offre un rapport qualité/prix raisonnable, bien qu'on aurait apprécié une mousse de meilleure qualité. En ce qui concerne SoEscalade plus de commentaires... Le Chi-pad de Flashed tombe hors catégorie: clairement le meilleur confort de chute, mais un peu lourd ce qui le rend peu pratique.