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Mallorca

8 avril 2000, 

Frigo du haut niveau Sous le soleil gris et pluvieux de Belgique, nous nous demandions quel serait l'endroit qui nous faisait tous rêver, un lieu fait de soleil et de chaleur accompagné de quelques bijoux de calcite qui accueilleraient nos doigts avec volupté.
Ce serait un endroit déjà exploré et séparé de nous moyennant quelques petites heures de trajet.
Cette endroit, nous eûmes vite fait de le trouver. Ce serait une île situé en pleine Méditerranée, à quelques encablures de la déjantée Ibiza. J'ai nommé Majorque.

On nous avait prévenu : "n'allez pas à Majorque en cette saison, elle est la pire de toute pour se rendre sur l'île?" N'en faisant qu'à notre tête, nous nous enfuîmes néanmoins vers la belle, attirés par les quelques photos de magazines et les récits fabuleux des explorateurs l'ayant déjà visité.
C'est donc remplis d'images de palmiers, de plages ensoleillées et de criques bordant la mer d'une eau bleue et pure, que nous quittâmes Bruxelles par un samedi d'hiver froid et gris. Arrivés de nuit, nous eûmes rapidement fait de déballer nos paquets pour affronter les quelques heures qui nous séparaient encore du début de notre séjour au paradis.
Et que dire? Imaginez vous. Voir le soleil se coucher à Bruxelles sous des tonnes de nuages et le voir se lever à Palma sous un ciel bleu digne des plus belles cartes postales du Sud de la France. Cela laisse rêver, n'est-ce pas ?

Goldenboy dans un 6a+ Eh bien oui, sauf que nous, nous n'étions pas dans un rêve. C'était la réalité. Nous allions enfin pouvoir remplacer le col-roulé par le débardeur gentiment déposé sur les étagères de la chambre d'hôtel. Et puis zut, à bas le débardeur ! Il faisait trop beau?
Juste le temps de louer une voiture et de placer cordes, baudriers et appareils photos dans le coffre que nous étions déjà en route pour le site phare de Majorque : Fraguel.

1ère escale : Fraguel

Perché à quelques centaines de mètres d'altitude, Fraguel était à n'en pas douter le site à ne pas manquer.

Toju et Goldenboy, les deux gais lurons de la bande, nous avaient assuré que nous trouverions des voies dans tous les styles et pour tous les goûts. A vrai dire, Fraguel était le premier des nombreux laboratoires du haut niveau que nous allions trouver sur l'île.

Cela se vérifia vite. A peine enfilés nos baudriers que s'offraient déjà à nous Le 6a ou Le 6a+ de la falaise? Choix existentialiste. Etions-nous venus pour nous dorer au soleil ou pour faire des perfs ? La décision ne se fit pas attendre. Nous optâmes pour le 6a+?, alors que Toju et Goldenboy bourinnait déjà dans le 6c !

La journée passa comme un éclair. A parler d'éclair, la peur serra même nos ventres lorsque nous vîmes de gros nuages s'approcher dangereusement de la falaise. Heureusement, et pour la petite histoire, ce furent les seuls que nous croisâmes pendant tout notre trip sur l'île. Ouf.

Julien André dans American Psycho - Cuenco - 8a: C'est pas si psycho que ça?A signaler. Un joli 6c tout en finesse situé à droite du secteur dévers, tout à fait approprié pour les gens qui, comme nous, n'avaient pas fait de falaise depuis plus de 6 mois?

De l'autre côté de la falaise, nous vous conseillons tout particulièrement un magnifique 7a de 35 mètres inauguré par un joli pas de bloc sur grattons et ponctué par deux-trois plats à maîtriser délicatement.

A Fraguel, même si le niveau moyen des voies tourne autour de 7b, il y en a pour tout le monde et même les fans de football sont de la partie. Pour preuve, c'est Toju qui ouvrit le bal en s'offrant au 1er essai Football Fan, 8a d'excellence et référence de la falaise. Pas mal pour un premier jour?

Le temps nous dictait de rentrer à l'hôtel pour festoyer en l'honneur des premières réalisations du voyage. Pourtant une drôle d'appréhension nous tenaillait les entrailles.

Majorque = colonie allemande

Quelle ne fut pas notre surprise en rentrant dans le restaurant de l'hôtel que de découvrir 250 Allemands attablés avidement et dévastant en ordre rangé le buffet dressé pour tout le monde.

Pas de quoi rire. Ce fut un brusque retour aux réalités de la vie : Majorque n'est en effet plus tout à fait espagnole.

Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, au contraire de sa petite s?ur Ibiza qui accueille chaque année moult Anglais et autres Français, Majorque est et reste avant tout une avancée allemande de plus vers le Sud. Après la Costa Brava, c'est bien toute l'île entière qui s'est accoutumé de la présence des nombreux touristes allemands fanatiques de Air Berlin?

50 façons d'y arriver pour Toju en pleine décontraction? Oh, tu as vu le petit mouton. Oh, qu'il est mignon. Oh, un autre. Ooooh? . Réactions de Goldenboy devant un troupeau de 300 moutons déchaînés?

Ils sont tellement nombreux que nous eûmes du mal à affirmer la présence de 4 petits Belges en pays conquis. Tout quiconque n'a pas le teint bronzé ou ne parle pas un temps soit peu l'espagnol est considéré comme "from Germany" et a droit à s'exprimer dans la belle langue de Goethe. "Ich liebe ist, mein liebe" (ou presque)?

Cette épisode passé, c'est devant un bon cocktail que nous réfléchîmes à notre destination du lendemain. Ce serait Santanyi.

Paradis des grimpeurs Santanyi, c'est plus qu'une falaise, c'est le paradis sur terre. Si vous allez un jour à Majorque, ce serait un sacrilège de ne pas vous y rendre au moins une journée. Au bord des eaux, l'effet de l'iode et du soleil vous plonge dans une atmosphère que vous trouverez rarement dans une autre falaise.
Au rayon voies, c'est aussi la détente. 7c max. Cependant, après le 7b à ne pas louper (Cocina ligera) réussi par la majorité des présents, nous nous abandonnâmes à une séance photo bien méritée.

Au fait, si vous n'aimez pas les fissures, vous serez obligés de sélectionner vos voies. En effet, la majeure partie de celles que vous trouverez à Santanyi sont plutôt fissurées. Adeptes de l'oppo, des placements et des coincements, vous serez servis.

Troisième jour : rien ou presque?

Pas encore fini pour Toju.Ayant décidé de faire du 2/1 (deux jours de grimpe, 1 jour de repos), notre troisième jour nous permit de découvrir le charme des ruelles de Palma de Majorque. Vous seriez étonné, mais on y trouve de tout. D'autant plus que nos Majorquins ont eu la superbe idée de placer un ring (la célèbre Via Cintura) autour de la ville et qu'il constitue un passage obligé afin de graviter sur l'île.

On y trouve naturellement tous les dérivés de la civilisation continentale, du Mac Do au Continent en passant par l'inévitable Décathlon.

Graviter signifie également découvrir. Et pour nos deux gais lurons, découvrir, cela ne signifie rien d'autre que grimper. De passage à S'Estret, ils ne purent pas s'empêcher de chausser leurs ballerines pour s'accoutumer à l'autre discipline en vogue de l'île : le bloc.

Et oui, il y en a aussi. Tellement que cette journée de repos tourna court et devint rapidement une journée de repos " actif ".

Fraguel, nous revoici !

C'est le quatrième jour que les choses sérieuses commencèrent. Que ce soient pour Toju ou pour Goldenboy, ou même pour Patrice alias Pat le photographe, ça allait bourriner.
Nous pûmes ainsi nous rendre compte de la véritable valeur de Fraguel, un paradis fait de colonnettes et de dévers.

Le repos des guerriersSeul bémol, la falaise se voulant le spot de l'île, les nombreux passages de grimpeurs ont sérieusement laissé des traces sur les voies qui grincent doucement au son de la magnésie étalée.

Les voies du centre du secteur dévers restent cependant tout à fait exceptionnelles, surtout pour ceux qui aiment les pinces. un 7a de 20 mètres de haut pour 5 mètres d'avancée, ce n'est pas tous les jours qu'on en trouve en falaise !

A côté d'elles, on trouve le seul 8b+ de l'île, mais aussi Toutankhamon (8a+) que Goldenboy faillit réussir, au même titre que Toju, échouant à 1 mouvement du relais.

Pas trop vite, je vais dégueuler dixit Toju après une séance d'anthologie au Mac Do : 2 Bic Mac, 2 Cheese, 1 Coca 50 cl? Vive la démesure.

Tout est bon pour s'occuper les doigts. Les mal tournées d'esprit pourront faire comme Goldenboy? Les autres diront qu'il ne fait que parer Toju.Pour ceux qui ne connaîtraient pas, il s'agit d'une voie de 35 mètres et de 10 mètres d'avancée comprenant deux sections de résistance dont la deuxième serait équivalente à un 7c+.
Ce n'était que partie remise?

Rien ou presque?

Ce n'est pas que nous ne voulions pas grimper, mais cette falaise dénommée Can Torrat ne voulait décidément pas se montrer. De gauche à droite, de bas en haut, nous essayâmes tous les chemins, mais ce maudit bout de rocher ne tomberait pas sous l'effort de nos assauts successifs en cette cinquième journée.

Nous devions donc revoir nos objectifs. Ce ne serait plus un 2/1 mais un 1/1, c'est-à-dire, en langage courtois, l'obligation de se morfondre sur une plage de sable chaud alors qu'on pourrait être en falaise.

Ne vous en faites pas. Il y en a toujours quelques-uns qui arrivent à nous dénicher des possibilités de tracter ou de bloquer. Même pendant un mini-golf d'anthologie, qui vit votre serviteur arrivé ex aequo avec un Toju plus en verve en paroles, qu'avec son club de golf (en résumé, il a eu beaucoup de chances?).

Cuenco : frigo du haut niveau

Ce n'est pas une plage, c'est mieux! Nous arrivions tout doucement à la fin de notre séjour et nous avions pas encore vu le caillou dont tout le monde parlait, cet autre laboratoire du haut niveau qui ressemblait plutôt à un frigo qu'à une véritable falaise majorquine.

Là aussi, ce fut au prix de recherches dantesques que nous parvînmes finalement au sommet de la falaise. En cause cette fois-ci, une maison du style forteresse qui n'était tout simplement pas là il y a deux ans.

Le topo datant de 1996 et nos dernières infos de '98, c'est notre intuition de grimpeurs qui nous amena directement sur le bon chemin. De toute façon, la nuit n'aurait pas arrêter nos recherches. Homo grimpalus, nous n'aurions pas accepté de ne pas trouver une falaise deux jours de suite.
Et bien nous en fit.

Cuenco, c'est le genre de falaise qu'on ne retrouve qu'en salle. En d'autres termes, un dévers de 45° sur +/- 10 mètres d'avancée.
Vous êtes en train de vous dire qu'il faut au moins 8a pour pouvoir espérer toucher les prises de ce secteur. Faux ! Même dans les quelques 7a du coin, vous aurez droit à du (gros) dévers.

Qui dit gros dévers dit bien entendu grosses prises et là, nous fûmes vraiment gâtés : des colonnes, des bacs, des stalactites et toutes sortes de prises inimaginables se sont offertes à nous durant ces quelques heures de folie.
Résultat : plutôt rassurant. Toju et Goldenboy réussissent tous deux un 8a (American Psycho) et un 8a+ (Mister Ocho a mas) avec une mention particulière pour Toju qui réussit son 8a+ flash (pour ceux qui ignorent ce que cela signifie, il s'agit de la réussite d'une voie au tout premier essai pour laquelle des indications ont été données à l'avance à celui qui l'a réussie).

Quant à votre serviteur, il réussit un 7a+ plutôt conti dont le crux se situe à trois mouvements du relais et qui consiste en une remontée sur un plat vertical? Charmant.

En conclusion, n'allez pas à Cuenco pour vous reposer mais bien pour performer. Un niveau minimum est requis pour s'amuser au moins une fois et il équivaut à 7b. Si vous ne l'avez pas, ne tentez surtout pas le seul 6c+ de la falaise. En effet, en plus d'avoir des spits rouillés par le sel marin, il ressemble plus à un bac à sable qu'à une voie d'escalade !
Deux heures après, de retour à l'hôtel, la fête allait pouvoir commencer. Nos deux bigres s'étant défoncés, nous allions avoir droit à une tournée comme seuls deux octogradistes peuvent vous l'offrir. Les détails viendront peut-être un jour?

Majorque : propriété privée

Le lendemain était notre dernier jour sur l'île en ce rude hiver majorquin tournant autour des 25°C à l'ombre?
Nous prîmes cependant notre courage à deux mains et repartîmes en direction de Can Torrat la maudite.

Damnez à jamais ce nom de vos mémoires ! Can Torrat n'est pas seulement une falaise dure à trouver, mais aussi un véritable four. En arrivant à Majorque, nous croyions pouvoir grimper franchement au soleil et ce ne fut sûrement pas le cas. Pour cause : 30°C?
Vous l'aurez compris : nous y arrivâmes enfin, mais ce ne fut qu'au prix d'une lecture assidue du topo afin de déchiffrer ses moindres finesses? et également moyennant un petit séjour d'une heure dans la brousse, éraflures comprises.

Can Torrat est une jolie petite falaise plein sud située au fond d'une vallée typiquement majorquine. Haute de 30 mètres en moyenne, elle vous offrira un panel de voies s'étalant du 6a au 7c+. Malheureusement, le soleil aidant, seuls Pat le photographe et Goldenboy se lancèrent à l'assaut des prises. Les autres s'occupèrent comme ils le purent?

Posés tranquillement au bord de la falaise en train d'écouter les bêlements des moutons dans la vallée, quelle ne fut pas notre surprise de voir débouler au coin d'un sentier le propriétaire des lieux. Celui-ci nous fit rapidement comprendre au son de quelques mots prodigués en espagnol que notre présence n'était pas la bienvenue : " prohibido ! guardia civile ! "?
Goldenboy en plein crux d'un 7b aérien n'eut comme choix que de se laisser choir afin de redescendre en quatrième vitesse.

Toju dans un 6c A ce sujet, vous devez impérativement savoir que Majorque devient au fil des ans une immense propriété privée. A chaque pas, vous risquez de vous retrouvez devant une grille fermée ou même à deux mètres de chiens tueurs qui ne vous rassurent que parce qu'ils sont attachés à un arbre de 50 cm de diamètre.

Ejectés proprement de Can Torrat, nous eûmes vite fait de nous replier sur S'Estret et son secteur de blocs afin de nous fatiguer les doigts au maximum avant le retour vers Bruxelles.

Cependant, la journée allait encore nous réserver un combat des plus fameux. Gavés de choucroutes et de saucisses de Francfort pendant une semaine, nous n'avions qu'une seule idée en tête, celle de nous sustenter (excusez le mot) au moyen des spécialités culinaires made in " Oncle Sam ". Voyez par vous-mêmes.

Le soleil de Majorque commençait à se coucher que nous nous remémorions déjà les nombreux souvenirs des voies réussies, des plages dorées par le soleil et des Allemands dévorant avec frénésie les buffets du restaurant.

Ce n'est qu'après l'atterrissage sur le tarmac de l'aéroport de Zaventem que nous redescendîmes sur terre, la voix de l'hôtesse nous annonçant une température de 5°C à Bruxelles? Réveil brutal !

Hubert Canart

Toju et Goldenboy,


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