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Escale à Ténérife

Escale à Ténérife

Grimpe sur basalte au pays des cactus

23 mars 2010, 

A parler d'escalade, l'île de Tenerife ne vous dit probablement pas grand chose. Pourtant elle regorge de possibilités. Michaël Timmermans et Florian Castagne en ont fait l'expérience lors du séjour qu'ils ont remporté à l'occasion du concours des 10 ans de Belclimb. Récit et photos de leur voyage en janvier dernier.

24/01/2010

Après une escale à Las Palmas sur l’île de Gran Canaria, nous avons rejoint le soleil et les 20 degrés de Ténérife, bien loin de la neige et des températures négatives belges. A travers les hublots de l’avion, on découvre l’énorme volcan (3718m et plus haut sommet d’Espagne) qui découpe l’horizon.
On charge rapidement la voiture de location puis c’est parti. Direction Granadilla, le village où se trouve notre lodge. On quitte rapidement l’autoroute qui longe la côte et on monte directement vers les montagnes, laissant derrière nous les parcs à touristes en bord de mer. On retrouve Walter, notre guide pour la semaine, au Ténérife Outdoor Centrum. On a à peine le temps de déposer nos sacs qu’il nous pousse à partir direction Arìco. On passe prendre au passage son fils Mauro. A peine 3 ans mais il tient déjà mieux sur les prises que sur ses jambes. La route est sinueuse mais aucune falaise à l’horizon. Puis viennent les premières petites gorges. On aperçoit enfin du caillou, caché entre les cactus envahissant. Les paysages sont paradisiaques, d’un côté l’océan avec l’île de Gran Canaria et de l’autre côté les pentes raides du volcan. On arrive finalement au village d’Ortiz, 6 maisons mais plus qu’une seule habitante. Michaël parque la voiture un peu plus loin sur un pont et c’est là qu’on découvre la gorge d’Arico. C’est dimanche, il y a un peu de monde mais on découvre rapidement les premiers secteurs avant de se lancer dans la ligne qui nous attire le plus. Walter avait fait exprès de ne pas prendre de topo, ainsi nous ne serions pas influencés par les cotations mais seulement par la beauté des lignes. Il a une bonne mentalité ce Walter.

Honneur à Michaël étant donné que c’est lui qui a gagné le voyage. La première voie traverse une face avec un rocher rouge complètement lisse excepté quelques réglettes. Tout simplement magnifique ! A peine a-t-il redescendu Michaël que Florian s’élance dans cette même voie. Quel rocher ! On découvre encore un peu le reste de la gorge avant de se lancer dans une deuxième voie avant qu’il ne fasse noir. Cette fois-ci, le rocher est plus gris et on voit bien que c’est de la roche volcanique car elle est plein de petites bulles. C’est un rocher déjà beaucoup plus abrasif mais la ligne en reste néanmoins superbe. Retour ensuite au lodge avec la tête déjà pleine d’images fabuleuses. 

25/01/2010

On commence par aller chercher le topo au magasin Roxtar. On pensait que ça prendrait 5 minutes, finalement on y sera resté plus d’une heure. On n’en revenait pas de tout le matériel et de la collection de vêtements qu’ils proposaient. Ils sont résolument plus axés grimpe qu’alpinisme comparé aux magasins belges. On en ressortira finalement avec chacun un t-shirt et un pull Roxtar, sur lequel il y a un énorme lézard imprimé sur le dos, sans oublier le topo. A noter qu’une partie des recettes de la vente des topos et des vêtements de la ligne Roxtar est investie dans l’équipement des rochers.

Nous reprenons ensuite les routes sinueuses direction El rio. Les descriptions du topo pour accéder aux falaises sont tellement précises que jamais de la semaine on se trompera de chemin. Comme toutes les falaises du coin, El rio se situe dans une gorge qui, ici, a la particularité d’avoir un barrage pour la rétention d’eau en été. Le niveau d’eau ne monte cependant jamais à hauteur des falaises. Nous commençons notre journée au premier secteur profitant qu’il soit encore à l’ombre. Ici, même en hiver, il fait trop chaud. Un super beau 6c, El subpringado, pour commencer. Malgré une roche un peu fragile au début, ça restera l’une des plus belles voies que nous aurons faite de la semaine. Un départ en dièdre très technique suivi par une fissure oblique traversant un mur complètement lisse. Après un 7a en fissure à la limite du offwidth et un splendide 7b sur un coin surmonté d’un pas de bloc dynamique, on se rend dans le fond de la gorge où les faces deviennent plus déversantes et le rocher plus noir. Le bas des voies y est également assez fragile mais très vite la roche devient beaucoup plus compacte et les formes sculptées par l’eau et le vent rendent l’escalade magique. On terminera à la frontale afin de pouvoir profiter un maximum de la journée.

On retrouve finalement Walter chez lui où il nous explique son histoire ainsi que le développement de l’escalade sur l’île. Il nous conseille des secteurs pour le lendemain mais il y en a tellement qu’on a du mal à choisir. On laissera cette question pour le lendemain.

26/01/2010

Départ tôt aujourd’hui car une grosse journée nous attend. On commence au matin par la falaise d’El Hoyo avant de filer l’après midi à Los Naranjos. L’arrivée à El Hoyo est assez sportive avec une descente en rappel pour atteindre le fond de la gorge mais quel environnement fantastique. Un petit bout de paradis… Les faces ont été sculptées profondément par l’eau donnant des arrondis beaucoup plus prononcés. Les lignes ont l’air plus belles les unes que les autres. On aurait envie de toutes les faire. A noter que les voies sont assez courtes, entre 10 et 15 mètres. Un couple d’allemands nous rejoindra un peu plus tard. Eux aussi sont venus découvrir les beautés de l’île. On réalisera des voies sur les différentes faces afin d’avoir un aperçu de tous les styles. Une des particularités du lieu ce sont les cactus qui envahissent la gorge par le haut. Quoi de plus sympathique que de faire son relais à côté d’un cactus de plusieurs mètres de large. Les plus grands ont même un tronc à leur base. La sortie du canyon se fait par une petite via ferrata bien sympathique.

Nous remontons ensuite la route direction Los Naranjos. La route devient de plus en plus petite et sinueuse. C’est la falaise la plus reculée où nous aurons été. On a l’impression d’être perdu au milieu de la montagne. La barre est assez imposante et moins encaissée dans la gorge que les autres massifs. Une canalisation ouverte passe au pied de la falaise afin d’amener l’eau récoltée en amont vers les bassins de rétention. Pas très pratique pour se déplacer au pied des voies mais l’eau qui coule met une ambiance particulière.

On se réchauffe dans un 7a très bloc puis on se lance dans la ligne qui a capté notre œil dès notre arrivée à la falaise, Cocacolo. C’est un 7c qui traverse la face la plus imposante de la falaise. Nous l’enchainons tous les deux, Michaël à vue et Florian flash, puis sans perdre de temps on repart dans une autre voie qui attirait particulièrement Florian. Un court 8a dans un vertical-léger dévers avec très peu de prises. Florian se lance d’abord et tombe tout près du relais lors de son essai à vue. Il trouve la méthode pour la section de sortie puis c’est à Michaël de se lancer. Il s’étend à son maximum mais n’arrive pas à atteindre les prises du crux. Il comprend que Flo a encore une fois utilisé sa taille pour s’en sortir. Il redescend puis Florian repart avant que le soleil ne se couche. Cette fois-ci avec les bonnes méthodes ça passe mais le crux sur mono aura laissé quelques séquelles. On terminera la journée par un beau 6a à la tombée du jour. Une belle journée se termine avec 10 superbes voies réalisées sur la journée. Le soir, nous nous rendrons au Tasca Tierras del Sur, un restaurant où nous dégusterons de délicieux Tapas typiquement espagnols.

27/01/10

On retourne à la plus grande falaise de la région, Arìco, mais cette fois-ci on part découvrir les secteurs en amont de la gorge. Le rocher y est tout aussi compact mais les faces sont plus verticales et l’escalade plus technique. On découvre les deux côtés de la gorge avec comme fond sonore la douce mélodie des canaris, rouge gorges et mésanges locales. De temps à autre un pigeon ou un faucon crécerelle traverse le ciel. Avec quelques souris et un troupeau de chèvres, se seront les seuls animaux qu’on aura pu observer.

En début d’après-midi, Walter nous rejoint avec un copain et un couple. On s’était donné rendez-vous pour une petite session de bloc dans la gorge. Des blocs de formes et tailles variables sont disséminés dans le lit de la rivière asséchée. Pas besoin de topo, on a Walter. Depuis plus de 4 ans, il a ouvert la majorité des blocs dans la région. Il est néanmoins en train de réaliser un topo qui devrait sortir dans les mois à venir. Au niveau des blocs, il y en a pour tous les goûts : des trous, des plats, des monos, des réglettes, des croûtes et puis dans tous les styles : dalles ou toits, techniques ou physiques. On passera une bonne après-midi à vagabonder de bloc en bloc, testant des projets, s’amusant dans des sorties sur plats type Fontainebleau, et découvrant le potentiel que l’île a encore à nous offrir.

28/01/10

Après les grosses journées d’hier et avant-hier, une petite journée de repos s’impose. Le basalte, ca broute pas mal et le manque de peau commence à se faire sentir. Pour nous, journée de repos ne veut pas dire se prélasser au soleil comme la plupart des touristes de l’île savent si bien faire. Nous avons préféré prendre un peu de hauteur et aller découvrir le sommet du volcan d’un peu plus près. On rejoint la "nationale" qui monte vers le volcan et ce qu’on peut dire, c’est que ça monte. Avec ces 3718m, El Teide comme il est surnommé, est relativement imposant. On arrive très rapidement dans les nuages et on voit le paysage se transformer. Les pentes deviennent plus raides et la flore de type aride avec cactus et buisson à épines laisse place à une forêt de conifères beaucoup plus luxuriante. Celle-ci disparaît ensuite à son tour au plus nous montons. Le brouillard se fait plus dense et on ne voit plus qu’un sol aride sur le bord de la route. Puis soudain apparaissant des pics rocheux avec des formes plus mystiques les unes que les autres. Ici un cheval, là une chaussure à haut talon. On arrive, un peu moins d’une heure après avoir quitté la côte, sur le plateau qui entoure le volcan. C’est le fond d’une caldeira au sein de laquelle a rejailli le volcan actuel. On est passé au-dessus des nuages et le volcan s’offre à nous. Des rochers de toutes les couleurs : du rouge, du gris, du noir plus sombre que la nuit, du bleu tirant vers le vert. Incroyable !

On suit la route qui contourne le volcan et les parkings tous les 500 mètres nous permettent de découvrir des formations rocheuses complètement différentes les unes des autres. Plus tard on apprendra qu’il y a également quelques secteurs de grimpe dans le coin. Toujours bon à savoir quand on veut échapper à la pluie en montant au-dessus des nuages ou lorsqu’il fait trop chaud en bas (le plateau autour du volcan se trouve à plus de 2000m d’altitude). On aurait bien voulu monter plus haut mais pour rejoindre le pic il faut obtenir une autorisation, gratuite, mais à aller chercher à Santa Cruz, la capitale de l’île, et pour rejoindre le point de départ du sentier, il y a soit un téléférique, à 12,50€ la montée ou descente, soit 4 heures de marche. Or nous y étions assez tard donc ce sera pour une prochaine fois. On se promène un peu sur les sentiers de promenade traversant le parc, découvrant encore plus de superbes formations rocheuses et collectant quelques échantillons de cailloux de toutes les couleurs.

En redescendant, nous faisons un détour par la route qui traverse l’une des dernières coulées datant de 1798. La roche y est d’un noir profond et aucune végétation n’a encore eu le temps de s’y implanter. On se serait cru sur une autre planète. Quelle découverte… C’est un site qui vaut tout autant le détour si pas plus que les spots de grimpe de la région d’Arico. Le soir nous étions invités au restaurant Casa Tagoro. Il est situé dans une maison historique vieille de plus de 300 ans et est tenu par un couple d’Allemands. Heureusement, ils parlaient un peu d’anglais pour nous introduire tous les plats que nous avons vu défiler. Après une petite coupe de mousseux et de pain accompagné d’huile locale, de sel d’Himalaya et de surimi, on a eu droit à des crevettes, suivies de sushis, d’un potage au poulet et des pâtes farcies. Ensuite on a pu se rafraîchir la bouche avec une petite boule de sorbet aux framboises baignant dans un vin pétillant avant de déguster le plat principal, du filet d’autruche accompagné de pommes de terres enroulées dans du jambon Serrano et d’airelles. Un vrai délice. Et pour terminer nous avons eu droit à un tiramisu maison.

29/01/10

Walter nous a donné rendez-vous au magasin pour qu’on puisse aller découvrir le site de Guaria avec Erick, l’un de ses amis. L’accès n’est pas facile et son aide nous fut bien précieuse. La gorge est ici bien plus imposante et la falaise, bien qu’elle fasse facilement 100m de haut, ne fait qu’une petite partie de la gorge. Le cadre est idyllique avec les cactus envahissants les sentiers et la vue sur l’océan et l’île de la Gomera en face. Le rocher est très varié mais moins compact. Pas mal de prises sont fragiles et il n’est pas rare d’avoir une prise de pied qui casse sous une légère pression. Ceci est dû à la faible fréquentation du site. Son accès est en effet plus difficile et de nombreuses voies n’ont pas été équipées afin de pouvoir les faire sur coinceurs. Les voies qu’on réalisera seront cependant magnifiques, en particulier la ligne de La Panamericana qui suit un angle séparant deux faces, l’une rouge, l’autre grise. Erick partira en début d’après-midi, nous laissant aller à la découverte du reste de la falaise. En fin de journée, Florian réalisera encore un splendide 7b sur trous de 35m. On terminera à la frontale avant de se perdre sur le chemin de retour et traversant les flancs de montagne à travers tout pour rejoindre la voiture. Ben oui, quand il n’y a ni topo ni local on se perd tout de suite.

30/01/10

Dernier jour. On retourne une fois de plus à Arìco mais cette fois-ci pour découvrir la partie plus en aval. Après deux petites voies d’échauffement, on se rend au secteur qui nous inspire le plus, Pepino. Florian commence par enchaîner, au premier essai et sous les encouragements des locaux, Jala por el resuello, un 8a assez technique dans lequel il utilisera sa technique d’allonge toute particulière. On se laissera ensuite tenter par un autre 8a, Arìco Power dont la ligne nous attirait particulièrement. On s’est cependant pris une grosse claque dans la gueule. La voie faisait environ 7b+ jusqu’à deux mètres du relais ou un pas de bloc monstrueux en réta faisait grimper la cotation. De plus, on apprendra qu’une des prises avait cassée et que ce serait plutôt 8a+ maintenant. Ce n’était pas la première fois de la semaine qu’on avait une voie où la cotation était basée sur un mouvement mais là c’était le pire qu’on puisse trouver. Michaël réalisera ensuite au premier essai Bubangos cream, un 8a assez physique avec une fin en petite fissure oblique juste assez large pour laisser rentrer le bout des doigts. On terminera finalement par un 7a dont la ligne nous avait attiré dès le premier jour.

Le soir, nous retrouvons Walter qui nous explique ses projets pour l’année à venir autour d’un petit verre. A côté du topo des blocs qui est en cours de réalisation, il va tenter de réaliser un genre de mini X-game où à coté d’un événement sur la tour d’escalade de Granadilla, il y aurait aussi du skate-board et du football de rue. Afin d’accueillir plus facilement les grimpeurs, il va tenter d’ouvrir un refuge avec aire de camping où il sera possible de loger pour pas trop cher car, bien que la vie soit très bon-marché sur l’île, le logement est ce qui pour l’instant plombe le plus le budget d’un trip à Ténérife. On apprendra plus tard qu’il est également en train d’équiper avec d’autres locaux, une nouvelle falaise à 3km de Granadilla et qu’il y aurait entre 100 et 150 voies. Comme quoi, l’île n’a pas encore dévoilé tous ses secrets...

31/01/10

On se réveille sous une pluie comme en Belgique. Serions-nous déjà rentrés? Il y a du brouillard sur toute la route vers l’aéroport, il est vraiment temps qu’on s’en aille. L’aéroport est bondé, la tempête a causé des retards pour plusieurs vols mais heureusement le nôtre est annoncé à l’heure. C’est avec plein d’images en tête et une folle envie de repartir que nous rentrons dans le froid et la neige belge.

Pour terminer nous voudrions remercier Belclimb, et tous ceux qui font tourner le site, tout d’abord pour le travail qu’ils accomplissent depuis plus de 10 ans et deuxièmement pour cette superbe aventure qu’ils nous ont permis de vivre. On souhaiterait également remercier toute l’équipe de Tenerife Outdoor et du magasin Roxtar pour leur accueil chaleureux et leurs conseils tout au long de la semaine, ainsi que Tenerife Lodge qui nous a mis à disposition un de leur climbing lodges.

Flo & Mika

Galerie photos de Florian à Tenerife
Galerie photos de Mika à Tenerife


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24-03-10
Quel voyage et quel dépaysement ! Les paysages avaient l'air somptueux
Les gens sur place ont l'air très gentils et super motivés. Juste pour l'ambiance je serais bien tenté de m'y rendre

Excellent les gars


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