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Patagonia 2007

The dream continues!

4 juillet 2007, 

Samedi 8 mai 2007

Il fait nuit. Je marche sur un glacier. Faites que je quitte cette montagne au plus vite. J'avance un pied devant l'autre, et encore et encore... Mon seul moyen de continuer. A chaque pas mes raquettes disparaissent dans la neige. Le bruit me fait penser à un mangeur de céréales. Mon Dieu, qu'est-ce que j'aimerais manger des céréales! Il y a un bébé sur le glacier... Je le dépasse calmement. Il commence à parler. Sa voix est calme et limpide mais les mots me sont incompréhensibles. Quelques pas plus loin... Attendez un peu!!! Un bébé sur un glacier!?!! Je me retourne brusquement: un bloc de glace... Avec un peu d'imagination il pourrait ressembler à un nouveau né... Je continue. ?Seàn, concentre-toi mon ami!! Attention aux ?crevasses?!!?

Fitz Roy (rechts)

40 heures sans sommeil. ?The mind is playing games?. Cela fait maintenant plus de 40 heures que je n'ai pas dormi. ?The mind is playing games?. Pendant les rappels je me sentais pourtant bien, mais aussitôt arrivés sur le glacier j'ai reçu un coup de bambou sur la tête. Les hallucinations n'ont pas tardé à faire leur apparition: maisons, nourriture, corps, un bébé qui parle... Je dois dormir de toute urgence... Nous devons descendre au plus vite! La corde me retient pourtant et m'empêche d'avancer plus rapidement. A l'autre bout se trouve mon partenaire: Baston, le cuistot suisse. Cela fait deux ans qu'il n'a plus fait d'escalade.... Nous venons de grimper plus de 24 heures d'affilée sur le Fitz Roy. Je ne devrais pas tirer aussi fort... ça doit le faire chier... mais nous devons descendre au plus vite: manger, boire, dormir...

Comment suis-je parvenu au Fitz Roy en compagnie d'un étrange cycliste suisse n'ayant pas grimpé depuis 2 ans? En voici une brève explication.

Mike Lecomte in Royal Flush L4Mike Lecomte et moi arrivons le 29 janvier 2007 à El Chalten, le petit village au pied du Cerro Torre et du Fitz Roy en Argentine. Notre objectif? Royal Flush 1300m, 7c, sur le Fitz Roy. Pas de stratégie portaledge cette année, seulement la rapidité pour arriver le plus haut possible. Aux premiers signes de "bon temps" nous nous jetons à corps perdus dans la voie. Il y avait énormément de vent, mais sur la face ouest nous étions passablement protégés jusqu'à réussir les 5 premières longueurs avant que le mauvais temps nous ramène au sol. Quel plaisir de faire disparaître nos doigts et nos mains dans les fissures extatiques d'un granit parfait!

La Patagonie recommence à nous jouer des tours. Les mauvaises conditions obligent les grimpeurs à passer leurs journées dans la vallée d'El Chalten. Bloc, escalade sportive, et bistrots sont au programme. Tous les jours nous scrutons Internet pour voir si l'oracle ne prédit pas des meilleures conditions météo. Souvent décevantes. Parfois le Fitz Roy nous dévoile son sommet à travers les nuages. Il est d'un blanc immaculé. Nous savions bien qu'il fallait quelques jours de soleil pour que cette poudre blanche s'en aille. Mais quand il recommence à neiger le lendemain, même les grimpeurs les plus motivés commencent alors à douter sérieusement, comme des groseilles entre les doigts d'un géant. Le bon temps finit par revenir. Je le sentais au plus profond de mon coeur! Ce fut la même sensation l'année passée, mais ce n'était jamais arrivé. Cette fois-ci j'en étais sûr!

Mike et moi profitons d'une petite fenêtre météo pour nous ruer dans Royal Flush. La voie est plus blanche que ?Dash? et nous décidons finalement de tenter notre chance dans la voie Casorotto (6c, 1200m) sur la face Nord du Fitz Roy. Celle-ci fait face au soleil (orientée au Sud) et est déjà plus nettoyée. Après quelques heures d'approche et 300 mètres de potpourri fait d'escalade sur glace, de drytooling et de crawl dans de la poudre blanche, nous parvenons au col nord à la première lueur de l'aube. C'est là que débute la partie rocheuse de l'itinéraire. Les fissures sont complètement obstruées par la glace! Nous redescendons immédiatement, contents de notre expérience fructueuse en ?mixed climbing?.

Sean in Royal Flush L3

Le temps se maintient plus ou moins et nous optons le lendemain pour une goulotte: AMI sur le Cerro Guillaumet. Une ascension belle et agréable pendant laquelle les dieux nous ont autorisé à chiller cinq minutes au sommet (au sens propre comme au sens figuré). Après une nuit dans les grottes de glace du Passo Superieur (le camp de base avancé) il y avait de nouveau des étoiles à admirer dans le ciel. ?Red Pillar? (700m, 7b, Cerro Mermoz) est la voie que j'avais enchaînée l'année passée avec les frères Favresse. Pour Mike, c'est la première fois qu'il entre en contact avec ces sublimes fissures de granit rose. L'itinéraire est un réel chef d'oeuvre de la nature et vaut à lui seul le détour! Quel plaisir immense que de grimper à nouveau avec des mains ensanglantées.

Balayés par
un mini-tsunami
Après une grosse semaine de mauvais temps, une accalmie de quelques jours s'offre à nous. Nous espérons que cela sera suffisant pour nettoyer Royal Flush et décidons de tenter un essai. Les lignes de fissure de la voie agissent sur moi comme de petits orgasmes. Cette fois-ci encore il n'en est pas autrement. Nous n'allons pas beaucoup plus loin. A la neuvième longueur (des 44!!) nous sommes balayés par un mini-tsunami qui sort de la roche. Morale de l'histoire: quand le soleil brille, la neige fond et devient eau. Et l'eau suit les fissures.

Bien que la journée du lendemain ne soit pas exceptionnelle, nous atteignons le sommet du Poincenot via la Whillians-Cochrane (TD 4/5, 600m). Une ascension où nos chaussons ne sont pas restés dans les sacs à dos, mais où les crampons et piolets semblaient être les jouets les plus essentiels.

Début mars

Plus de trois jours dans une grotte de glaceDébut mars El Chalten ressemble à un véritable village fantôme. On compte de moins en moins de grimpeurs. Mike doit aussi partir. Il s'en va en Espagne où il va suivre un entraînement professionnel (en commun avec Edu Marin & Yuji Hirayama). J'ai encore un mois à tirer et je me lance à la recherche d'un partenaire. Je tente tout d'abord un essai sur le Fitz Roy via la ?Franco-Argentina? en compagnie d'un guide suisse. Arrivé au col italien (col Sud) nous sommes repoussés par le mauvais temps. Quelques jours plus tard, j'ai l'impression que tous les grimpeurs sont partis... Il reste seulement un Espagnol déterminé (Dani) qui rôde ici depuis octobre. Son rêve: atteindre le sommet du Fitz Roy via la voie ?Franco-Argentina?. Après deux essais jusqu'au col italien nous sommes les victimes d'une tempête de neige et nous réfugions dans une grotte de glace au Paso Superieur. Plus de trois jours!!! Manger, dormir, essayer de se mettre au chaud dans un sac de couchage pouilleux, boire du thé, s'asseoir à rien faire et tenter une sortie dehors pour un jet de pisse explosif, font partie de nos activités quotidiennes. Quand le soleil réapparaît au quatrième jour tout est d'un blanc immaculé. Par peur des avalanches nous décidons de redescendre vers El Chalten mais pas sans laisser notre matériel d'escalade derrière nous, dans la perspective de revenir ici dans quelques jours. Juste avant d'arriver au village Dani se foule le pied... la déception est immense... il doit provisoirement abandonné son rêve... Suivent cinq jours de ciel bleu!! Cinq jours!!! La plus longue éclaircie de toute la saison!! Mais aucun grimpeur à la ronde! Est-ce que je devrai me taper le glacier tout seul pour récupérer notre matériel??

Baston in de ijsgrot

Un jour de beau temps à El Chalten, je rencontre un Suisse dépressif dénommé Baston. Il me fait savoir qu'il erre à vélo depuis deux ans sur tout le continent sud-américain, mais que son vélo est mal en point. En attente des pièces de rechange qu'on doit lui faire parvenir, il se morfond à El Chalten. Un peu plus tard il m'explique qu'il a déjà grimpé par le passé... ?Hmmm... Est-ce que ça t'intéresserait de m'aider à redescendre mon matériel??? ?Et vu que tout le matériel de Dani est resté là-bas, est-ce que tu serais tenté par un petit essai sur le Fitz Roy??

De routes

L'oracle prévoit du mauvais temps, il faut faire vite... nous décidons d'entreprendre un essai en style alpin sans nous arrêter au camp de base du Rio Blanco et les grottes de glace du Paso Superior. ?One push?, tout donner! Nous quittons El Chalten à 20h. Vers 2h du matin nous nous trouvons au pied du Fitz Roy. Au lever du soleil nous sommes au col italien: pas un pet de vent aux alentours!!! La partie rocheuse semble plus intéressante que prévu. Il reste encore beaucoup de neige et nous devons sortir de temps en temps les piolets. Vers 20h nous ne dénombrons plus que deux longueurs avant la fin. En tout 40min de ?scrambling? sur l'arête qui mène au sommet. Mais le mauvais temps est de nouveau de la partie. Le vent aussi, il neige, et quelqu'un a transformé notre dernière bouteille d'eau en bouteille de glace! A la moitié de l'avant-dernière longueur je constate que mes doigts sont totalement insensibles. Soudain une vague de neige énorme s'abat sur mon visage. C'est vraiment irréel... Je suis perdu dans un labyrinthe de rocher, neige et glace. Il reste à peine deux heures de clarté... ?Baston? Qu'est-ce qu'on fait??... ?Tout sourire nous commençons notre descente. Peut-on le croire? A deux longueurs du sommet! Si près, et pourtant si loin... Un bel essai! Est-ce que nous allons parvenir à descendre le matériel??

Merci au Club Alpin Belge, Club Alpin Belge section du Brabant, Climb.be, Five Ten et Starpole, pour leur soutien et leur confiance.

Sean Villanueva

 


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