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4-6-2013

Peak District

Destination long trip

Matt

A l’approche des vacances, les grimpeurs belges ont une forte tendance à rejoindre les falaises du Sud de l’Europe, principalement attirés par une météo plus favorable à notre activité et des sites de grimpe d’exception. Cependant, d’autres régions d’Europe mériteraient d’être davantage parcourues et peuvent sans aucun doute enrichir notre pratique de l’escalade en proposant quelque chose de légèrement différent : c’est le cas du Royaume-Uni, et plus particulièrement du Peak District.

Le Peak District est un vaste parc naturel du centre de l’Angleterre, situé entre les villes de Sheffield, à l’Est, et de Manchester, à l’Ouest. Deux caractéristiques principales confèrent au Peak District toute son originalité : le « trad » et le « gritstone ». Unique au monde, le gritstone (ou « grit ») est une roche sédimentaire siliceuse dont le constituant majeur est le quartz et qui s’apparente fortement à un grès, offrant des possibilités d’adhérence hors du commun pour la plus grande joie des grimpeurs. Quant au « trad » (escalade traditionnelle), sachez qu’ici vous êtes sur le territoire des grimpeurs britanniques dont l’éthique rigoureuse impose des règles bien précises : l’utilisation exclusive de coinceurs. Heureusement, la roche locale très adhérente et fracturée en fissures horizontales et verticales se prête particulièrement bien à l’escalade sur coinceurs et offre des emplacements de qualité pour les coinceurs mécaniques (coinceurs à cames) en particulier. Le travail des voies engagées en moulinette est une pratique courante et tolérée, d’autant plus si vous finissez par enchaîner réellement la voie sur coinceurs ensuite, ce qui s’appelle du « headpoint » dans le jargon local. Vous l’aurez compris, ici, la bravoure et l’audace d’un grimpeur sont des qualités nobles, au moins autant respectées que ses capacités techniques ou physiques. Au Peak District, on alterne typiquement les ascensions en tête et en second au sein des cordées afin de récupérer le matériel : le second est alors assuré « à l’anglaise » depuis le sommet de la falaise et la descente s’effectue généralement à pied ou par une désescalade facile.

L’Histoire de l’escalade au Royaume-Uni a été marquée par la personnalité de plusieurs légendes locales telles que les grimpeurs Ron Fawcett, Johnny Dawes, Jerry Moffat ou encore Ben Moon pour n’en citer que quelques-uns. Grimpeurs élites des années 80-90 sur la scène internationale, ces grimpeurs ont ouvert, dans le plus pur style traditionnel, certaines voies au Royaume-Uni et en particulier au Peak District qui restent encore aujourd’hui de véritables challenges rarement répétés, en raison de leur difficulté technique, certes, mais également de l’engagement nécessaire pour affronter le risque d’une éventuelle chute lourde de conséquences. Difficulté technique et engagement : voilà les deux ingrédients essentiels qui composent l’escalade « made in the UK » et qui justifient d’ailleurs l’utilisation d’une échelle de cotations spécifique.

Difficulté technique et engagement : voilà les deux ingrédients essentiels qui composent l’escalade « made in the UK »

En effet, toutes les voies du Peak District sont cotées selon l’échelle de cotation britannique qui s’étend de « Easy » à « Extremely Severe », ce dernier niveau de difficulté étant lui-même divisé en plusieurs paliers numérotés, pour l’instant, de 1 à 12 (les fameuses cotations E1, E2, etc.). A cette première cotation relative à la difficulté globale de la voie et qui prend donc en considération aussi le caractère « risqué » de celle-ci et la difficulté à protéger l’ascension, s’ajoute une seconde cotation purement technique évaluant le pas le plus difficile selon une échelle semblable à l’échelle de cotations française, mais s’étendant de 4a à 7a. Globalement, les deux cotations évoluent généralement ensemble avec la difficulté des voies (moins de prises, moins d’emplacements pour les coinceurs) à quelques exceptions près. Par exemple, dans le cas de deux voies cotées respectivement E1 6a et E2 5b, la première sera vraisemblablement plus difficile d’un point de vue technique que la seconde mais sans doute parfaitement protégeable, tandis que la seconde présentera une escalade facile, mais engagée. A fortiori lorsqu’on pratique l’escalade traditionnelle et que l’on découvre le Peak District, il est primordial d’interpréter correctement les cotations des voies, une retraite n’étant pas toujours possible. Il vaut donc mieux débuter progressivement et consolider ainsi, si besoin, sa technique de placement de protections! Afin de donner un ordre de grandeur, les grimpeurs ayant réalisé des voies d’une cotation supérieure à E10 7a se comptent actuellement sur les doigts d’une seule main. Rassurez-vous néanmoins, le Peak District comporte des centaines de voies dont les plus faciles s’apparentent à de véritables escaliers.

Le Peak District ne se résume pas seulement à l’escalade traditionnelle car il offre également un potentiel énorme pour les amateurs de bloc, en raison principalement de la qualité et de l’adhérence du gritstone local qui place le Peak District en deuxième position sur la scène de bloc européenne, juste derrière Fontainebleau. La suite de cet article propose un rapide tour d’horizon de quelques sites du Peak District à ne pas manquer lors d’une première visite : de quoi s’occuper durant plusieurs jours tant pour le bloc que pour le trad.

Stanage et Burbage

Stanage est sans aucun doute le site de grimpe le plus populaire du Peak District. Situé à quelques kilomètres d’Hathersage, point de départ probable d’un séjour de grimpe dans la région, Stanage constitue une longue crête rocheuse qui s’étend sur plusieurs kilomètres et qui est partagée en plusieurs secteurs. En plus d’offrir un très grand nombre de voies (plus de 700) de tous niveaux dans des styles variés, Stanage permet au grimpeur de profiter d’un paysage local exceptionnel. Parfois victime de son succès, en témoigne une importante fréquentation durant le week-end, Stanage reste néanmoins le site parfait pour s’immerger dans le bain de l’escalade au Peak District et rencontrer d’autres grimpeurs. Idéal lors d’une journée fraîche et ensoleillée, l’exposition au vent permet au gritstone de sécher très rapidement après une averse, mais peut aussi parfois contraindre le grimpeur à rester au pied de la crête et à user ses chaussons dans les lignes exceptionnelles du champ de blocs en contre-bas, telles que la très photogénique ligne de Not to be taken way (6C), l’emblématique Careless Torque (8A), la très exposée Crescent Arête (6A) ou encore Deliverance (7B+) qui nécessitera un peu de dynamisme. Tant sur les dalles techniques que dans les passages aériens, plusieurs crash-pads et un bon mental sont parfois indispensables.

A proximité de ce secteur phare se trouve également le site de Burbage proposant de nombreuses voies abordables de faible hauteur (Mutiny Crack (VS 4b), Long Tall Sally (E1 5b), Zeus (E2 5b) ou Silent Spring (E4 5c)) ainsi que de nombreux passages de bloc (Side Wall (5+), Remergence (6B+), Banana Reverse (7A), etc.).

Millstone

Millstone, c’est le temple des voies en fissure et des arêtes exposées du Peak District. La carrière de Milstone est devenue célèbre dans le microcosme de la grimpe grâce notamment à une voie mythique, Master’s Edge (E7 6c), dont la première ascension est à mettre à l’actif du grimpeur anglais Ron Fawcett en 1983. 30 ans plus tard, elle constitue toujours un véritable challenge d’initiation pour bon nombre de grimpeurs. Bien entendu, la carrière de Millstone offre également des voies plus faciles qui souvent inviteront le grimpeur à développer ses capacités de grimpe en fissure. Ce style particulier ajouté à la hauteur des voies (jusqu’à 40m, plutôt atypique pour la région) constituent l’attrait principal de ce site historique dont l’encaissement fournit une agréable protection contre le vent. Quelques très belles voies à ne pas manquer parmi tant d’autres: Covent Garden (VS 4c), Portland Street (HVS 5b), Twicker (E3 5c), Time for Tea (E3 5c) et la magnifique ligne de London Wall (E5 6a), dont la fissure à doigts lézarde un impressionnant mur rouge.

Frogatt et Curbar

L’orientation et la configuration du site de Frogatt permettront aux grimpeurs d’exploiter une journée hivernale froide mais ensoleillée. Dans des niveaux très variés, ils pourront apprécier l’adhérence exceptionnelle du gritstone dans les nombreuses dalles que propose la falaise de Frogatt (Sunset Slab (VS 4b), Three Pebble Slab (E1 5a), Downhill Racer (E4 6a),...). Quelques kilomètres plus loin se trouve le site de Curbar qui comporte également de nombreuses dalles techniques et exposées ainsi que plusieurs voies en fissures plus facilement protégeables (Avalanche Wall (HVS 5a), The Peapod (HVS 5b), L’horla (E1 5b), Profit of Doom (E4 6b)). En outre, les amateurs de bloc trouveront également à Curbar une large sélection de problèmes, rapidement accessibles depuis le parking et caractérisés par des réceptions plutôt « safe » au vu de l’ambiance locale.

Cratcliffe

Le site de Cratcliffe propose des voies considérablement plus longues (jusqu’à 30 mètres) dans un cadre très champêtre digne du dessin animé de Robin des Bois : une bonne alternative pour découvrir une autre partie du Peak District tout en profitant de voies classiques exceptionnelles comme Suicide Wall (HVS 5a), qui nécessite un effort de longue haleine et qui implique des passages athlétiques en fissure, ou Five Fingers Exercice (E2 5c), une magnifique voie avec une fin très aérienne. Du sommet des voies, les grimpeurs apprécieront la beauté de l’environnement et la quiétude des lieux.

Enfin, la partie centrale du Peak District propose également plusieurs falaises calcaires sur lesquelles il est possible de pratiquer l’escalade traditionnelle mais aussi l’escalade sportive. En matière d’escalade sportive (voies équipées), Raven Tor est sans doute le site le plus célèbre d’Angleterre en raison de sa concentration de voies techniques extrêmes. Cependant, le site de Cheedale propose aussi des voies d’un niveau plus modeste. Certes, pour un grimpeur étranger, l’escalade sportive au Peak District ne constitue pas l’attrait majeur de la région, mais après plusieurs journées de « trad », un peu d’escalade sportive pourra reconstituer le mental du grimpeur, érodé autant que la peau de ses doigts par les voies audacieuses sur le gritstone.

En pratique

Hathersage est un village au centre du Peak District qui peut constituer un bon point de départ pour un séjour d’escalade dans la région. Vous trouverez au centre du village d’Hathersage un magasin d’escalade très bien fourni où vous pourrez vous procurer un topo (il en existe une multitude, préférez un topo « global » pour une première visite-découverte de la région) et éventuellement compléter votre matériel. A l’étage de ce même magasin, un petit café vous permettra de débuter votre journée en partageant « a cup of tea » ou « a bacon and eggs » avec les grimpeurs locaux qui vous indiqueront avec précision le site idéal pour passer la journée en fonction de l’analyse méticuleuse des conditions météorologiques du jour (température, vent et humidité).

La ville voisine de Sheffield, caractérisée par une importante concentration de grimpeurs, vous permettra également de trouver absolument tout ce dont vous aurez besoin: logement, ravitaillement, matériel, plusieurs excellentes salles d’escalade pour les jours pluvieux (The Edge, The Foundry, et Climbing Works) ainsi que de nombreux « pubs » un peu « kitch » mais très agréables, où vous savourerez une bière locale pour vous remettre de vos émotions du jour ou célébrer d’éventuelles croix.
Au vu des multiples sites de grimpe disséminés dans toute la région du Peak District et de la quantité de matériel à transporter, venir en voiture depuis la Belgique peut s’avérer très pratique et relativement économique si vous voyagez à plusieurs. Dans ce cas, préférez le ferry au départ de Zeebrugge à destination de Hull qui vous épargnera quelques heures de conduite à gauche et vous permettra de profiter d’une agréable soirée et nuit sur le bateau (cabine de 4 personnes) tout en vous offrant une journée complète d’escalade à votre arrivée le lendemain matin.

Pour grimper au Peak District, vous aurez besoin de la panoplie complète du « trad climber » qui inclut une corde à double, un crash-pad, un casque, des dégaines de longueur ajustable ainsi que plusieurs sangles dont certaines très longues (3-4m) pour la confection des relais au sommet des voies. Sur le gritstone en particulier, la pose de coinceurs mécaniques se révèle bien plus fiable et aisée que les bicoins : prévoyez donc un jeu complet de coinceurs à cames (friends) et doublez éventuellement les tailles moyennes ainsi qu’un jeu simple de cablés et vous serez ainsi fin prêt pour aborder la grande majorité des voies du Peak District. Si vous disposez de peu de coinceurs à cames, un jeu de coinceurs excentriques peut être utile pour les fissures larges.

Pour grimper au Peak District, vous aurez besoin de la panoplie complète du « trad climber » qui inclut une corde à double, un crash-pad, ...

Soyons honnêtes, la météo au Peak District peut s’avérer très aléatoire et il sera préférable de rester sur place plusieurs jours afin de s’assurer de rentrer sur le continent avec suffisamment d’heures de grimpe dans les doigts. Cependant, la roche locale et l’action du vent permettent de retrouver de bonnes conditions très rapidement après une averse. Les grimpeurs anglais grimpent sur le gritstone absolument toute l’année, cependant la meilleure période pour un séjour se situe entre avril et septembre. Les journées d’été chaudes et sans vent ne sont pas idéales pour l’adhérence du gritstone mais aussi et surtout en raison des « midges », ces minuscules moustiques locaux qui s’attaquent par milliers et sans relâche aux grimpeurs.

Enfin, n’oubliez pas vos livres sterlings, votre adaptateur pour les prises de courant, soyez prudent en conduisant à gauche et n’hésitez pas à discuter des voies avec les grimpeurs locaux : une petite astuce pour un mouvement ou le placement d’une protection peut complètement changer la difficulté d’une voie ! Quelques mots de vocabulaire concernant l’escalade peuvent être bien utiles pour dialoguer avec les locaux et s’immerger ainsi d’autant mieux dans le microcosme de l’escalade britannique : attention, c’est contagieux !

Have fun !

Informations complémentaires pour l’escalade « in the UK » : www.ukclimbing.com

Matthieu

Le grimpeur de tête confectionne un relais solide au sommet de la falaise auquel il s’attache. Il assure ensuite le second en placant son système d’assurage directement sur son harnais, sans point de renvoi, avec pour objectif de solliciter le relais le moins possible en cas de chute du second.