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22-3-2012

Manaslu 2011

La Montagne de l’Esprit se mérite

jlfohal

« Bis repetita placent » : la seconde tentative fut la bonne… Après une première approche au printemps 2009, lors de laquelle des conditions météorologiques difficiles , particulièrement des chutes de neige abondantes et incessantes, me contraignirent à renoncer vers 6300 mètres, le Manaslu s’est montré cette fois-ci sous un visage plus hospitalier. Culminant à 8163 mètres d’altitude, la Montagne de l’Esprit, en transcrit tibétain, se mérite. Situé dans l’Himalaya du Népal, elle est la huitième montagne du monde.

Parti début septembre de Katmandou, la capitale népalaise, en compagnie d’un groupe d’alpinistes franco-québecquois, il m’aura fallu plus d’un mois avant de pouvoir en atteindre la cime. La patience s’avèrera encore être une vertu primordiale. Sans compter toute la préparation physique et mentale durant les semaines précédant l’expédition.

Cinq étapes vers le sommet

La première est une marche d’approche d’une dizaine de jours. Cette phase est très importante car elle permet de s’acclimater de manière progressive et naturelle. Sous une chaleur et une humidité tropicales, nous remontons, par des chemins détrempés et ravinés par les pluies de mousson, les vallées de la Marsyangdi River et de la Dudh Khola. Depuis le village de Ngadi, vers 1000 mètres d’altitude, les rizières en terrasse font place progressivement aux forêts de pins à crochets, bambous, rhododendrons puis aux alpages. A Bimtang, le Manaslu et son imposante face ouest s’offre à nos yeux pour la première fois. Le souffle court, le passage du col du Larkya pass, vers 5100 mètres, nous fait entrer dans le monde minéral et glaciaire. Cette marche d’approche s’achève par la montée au camp de base, situé au-dessus du village tibétain de Sama, vers 4800 mètres d’altitude. Devant nous, une spectacle magique nous attend : le Manaslu scintille de lumière aux premières lueurs du soleil.

La deuxième est la préparation du terrain et de l’organisme sur la montagne elle-même. Pendant plus d’une semaine, nous installons des tentes à trois altitudes différentes, vers 5800 m, 6500 m et 6800 mètres. Afin d’habituer son corps au manque d’oxygène, dormir dans ces camps s’avère aussi vital. Avec l’aide de sherpas et d’autres expéditions présentes, des cordes de sécurité sont également fixées dans les passages les plus délicats, au niveau des crevasses et des séracs.

La troisième étape se résume en deux mots : récupération et attente. Récupération car passer des journées et nuits en altitude laisse des traces. Une semaine de repos complet au camp de base nous permet de bien régénérer le corps par un bon sommeil, une bonne acclimatation et une hydratation optimale. Attente aussi car, durant cette période, la météo se montre sous des jours maussades, retardant le départ de l’ascension : le brouillard, la pluie et la neige rendent les conditions en montagne dangereuses et peu engageantes.

 

Le dernier push

La quatrième phase constitue l’ascension finale proprement dite. Depuis le camp de base, six jours sont nécessaires pour parvenir au sommet et en redescendre. Le vent et les risques d’avalanche nous bloquent inopinément pendant deux nuits au camp 3 vers 6800 mètres. En plus de la trace qui sera à refaire dans la neige profonde, de fâcheuses surprises nous attendent en altitude : de nombreuses tentes ont été endommagées, voire complètement ensevelies sous le manteau blanc. Au dernier camp, à 7400 mètres, atteint après une rude montée, nous pouvons enfin voir le sommet lui-même. Le 4 octobre, au lever du jour et après une nuit glaciale, nous quittons notre nid d’aigle pour remonter le vaste plateau sommital et les derniers 700 mètres qui nous séparent de l’arête neigeuse sommitale. La cime du Manaslu est tellement effilée que juste deux personnes peuvent s’y tenir debout. Il est midi, séance photos, moments de bonheur intense, nous contemplons le panorama grandiose qui nous entoure : le plateau tibétain, la chaîne des Dhaulagiri et Annapurna, l’Himal Chuli, le Ganesh Himal. Instants éphémères, il faudra redescendre. Retrouver de l’oxygène, retrouver le confort du camp de base.

Epuisés mais heureux

Vient la dernière étape et le retour vers les basses altitudes. Epuisés mais heureux, nous quittons le camp de base très rapidement. En quatre jours à peine, nous redescendons la vallée de la Buri Gandaki : plus de cent kilomètres de chemins typiquement népalais avalés en peu de temps. Dernier regard sur les hautes montagnes. Petit à petit, le paysage s’adoucit. Sama, Ghap, Lho, Namrung, Philim, Jagat… autant de villages que nous traversons, la vie agricole bat son plein dans les champs où l’on cultive l’orge et la pomme de terre. Les rizières et la chaleur réapparaissent, marquant la fin de notre périple pédestre à Arughat, vers 500 mètres d’altitude. Nous avons perdu presque 8000 mètres en quelques jours. Le contraste est encore plus brutal quand nous rejoignons Katmandou dans le bruit et la pollution.

Le Manaslu était un coup de cœur. Une superbe aventure à la fois physique, culturelle et spirituelle. De ces expéditions, on y laisse toujours un peu de soi-même. La richesse qu’elles apportent à l’homme est inestimable.

Jean-Luc Fohal

Article extrait de la revue Par Mont et par Vaux éditée par le CAB Brabant