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22-11-2010

Jérôme Lambert, aspirant guide

Habité par la passion

Hube

Les guides de haute montagne belges se comptent sur les doigts de deux mains. Fin 2009, on en dénombrait moins d'une dizaine. De fait, la situation n'est pas extraordinaire. De véritables sommets il n'en est pas question en Belgique... Seule une vraie passion pour la montagne amène ces quelques engagés à se lancer dans la difficile et longue formation qui les amènera à porter le titre de guide de haute montagne.

En septembre dernier, deux Belges ont reçu leur carte d'aspirant guide de la formation dispensée par l'Association Suisse des Guides de Montagnes (ASGM) : le Courtraisien Stijn Vandendriessche et Jérôme (Djai) Lambert, originaire de Saint Georges près de Jodoigne. Celui-ci a pris quelques minutes de son temps précieux pour répondre à nos questions.

Belclimb: Félicitations Jérôme. Devenir guide de haute montagne, est-ce l'objectif de toute une vie ?

Jérôme: En tout cas c'est l'objectif du moment. Ca fait plusieurs années que je m'y prépare et c'est aussi le résultat d'un parcours de vie.

Les guides de haute montagne sont souvent des alpinistes chevronnés. Illustres ou moins connus à l'exemple du Belge Jan Vanhees, diplômé de l'ENSA, qui a gravi trois 8.000 mètres. En ce qui te concerne, as-tu un modèle?

Je n'ai pas vraiment une personne que j'idéalise. J'aime l'image du Métier de Guide. Je respecte beaucoup les guides de la grande époque comme Gaston Rébuffat, Armand Charlet, Alexander Burgener... des guides qui taillaient 600 marches pour gravir la face Nord des Courtes... c'était vraiment des solides!

Les critères de l'UIAGM pour reconnaître un diplôme de guide imposent que tant les examens d'été que d'hiver puissent être tenus dans le pays de délivrance. Bref ce ne sera jamais possible en Belgique, aux Pays-Bas ou au Danemark. Qu'est-ce qui a justifié ton choix pour la Suisse?

En fait, ça fait 7 ans que j'habite en Suisse. Initialement, j'y suis venu pour une saison de moniteur de ski pour l'Ecole suisse de ski de Grimentz en décembre 2003. J'ai rempilé pour l'hiver 2004/2005 et depuis je ne suis plus rentré pour travailler en Belgique et me suis installé en Valais, dans le Val d'Anniviers.
Je suis tombé amoureux de la région. J'ai trouvé du travail l'été, je me suis investi dans le club de montagne local où je donne des cours d'escalade et encadre des sorties en montagne. J'ai été bien intégré par les Anniviards et j'ai fait 7 saisons de ski en continuant à me former en ski et en télémark pour le brevet de moniteur suisse.

Sur les encouragements de copains guides ou aspirants, je me suis renseigné sur la formation et m'y suis finalement inscrit.

A quoi ressemble la formation que tu as suivie?

Au niveau de la formation de Guide de montagne, le système Suisse est très différent de la France. C'est une formation qui, au delà des aspects techniques exigeants, est beaucoup basée sur l'encadrement du client, la gestion de groupe et la pédagogie. Le niveau de ski y est poussé, c'est très éliminatoire. Cette formation est modulaire et privée donc chère!

Il n'y a pas de test d'entrée éliminatoire comme en France pour le Brevet d'état. Mais chaque module est éliminatoire. Cette formation ressemble un peu aux formations de cadres du Club Alpin Belge mais en plus condensé. Ca me convient mieux.

La formation se déroule comme suit:

Quel parcours te reste-t-il à faire pour obtenir le diplôme de guide?

Maintenant je dois guider en tant qu'aspirant guide pendant un an et demi minimum. Je dois réaliser 40 courses avec des clients sous la tutelle de différents guides, je dois aussi remplir une nouvelle liste de course personnelle.
Il me faut aussi suivre deux modules pendant cette période: un module de Gestion, comptabilité et communication et un autre intitulé 'Nature et environnement' où nous serons formés et examinés sur la géologie, la faune et la flore.

Une fois ces exigences remplies, il me faudra encore réussir les deux modules du cours de Guide: 15 jours hiver et 15 jours été.

Avant de te lancer dans cette formation, tu faisais pas mal d'escalade sportive. Qu'est-ce qui explique ce revirement?

Il ne s'agit pas d'un revirement. J'ai toujours été polyvalent, j'ai toujours aimé le ski et le freeride. Je grimpe toujours. C'est plutôt une évolution, une continuité.
J'encadre toujours plusieurs fois par semaine en salle d'escalade pour partager ma passion et je grimpe beaucoup au printemps et en automne.
J'ouvre aussi des voies dans la région. Je suis donc toujours investi en escalade mais autrement.

C'est vrai que c'est plus dur de faire de belles performances en escalade sportive quand on skie tout l'hiver et que l'été on marche 10 heures par jour... On a moins de temps pour grimper fort mais j'ai du plaisir à jongler avec les saisons...

Que penses-tu de l'évolution de l'alpinisme quand tu observes la façon dont des hordes d'alpiniste d'un jour tentent le Mont-Blanc et dans une moindre mesure, l'Everest?

Pour moi il ne s'agit pas vraiment d'alpiniste. Les clients qui veulent faire un Mont-Blanc ou un Cervin sans s'inscrire dans une démarche globale de formation et d'évolution personnelle technique et physique ne sont pas vraiment des alpinistes mais des consommateurs. C'est une partie de la clientèle, c'est sûr. Mais le tourisme est né ainsi. Les premiers alpinistes étaient les Anglais fortunés. Cela fait partie de l'histoire de l'alpinisme. Mais à l'époque ils tenaient debout! Ils avaient une démarche de conquérant mais ils s'entraînaient.

Maintenant la dérive c'est un peu ce consumérisme. Je paye un guide, il m'amène au sommet et lundi je peux dire à tous les collègues du bureau que je l'ai fait... Pour moi ce type de personnes passent à côté des valeurs essentielles de l'alpinisme mais je ne leur jette pas la pierre. Il y a aussi des gens qui prennent goût à notre sport en le découvrant de la sorte.

S'il fallait retenir une seule expérience passée en montagne, quelle serait la tienne?

Difficile, j'ai tellement eu de beaux moments! Mais le cours d'aspirant guide en Valais où nous avons fait dans les Mischabel 9 sommets de plus de 4000 mètres sur 5 jours est un souvenir marquant!

Peu de guides parviennent à vivre exclusivement de leur métier. Une fois ton diplôme en poche, quels seront tes projets?

J'espère en effet vivre essentiellement de ce métier dans le futur. Je suis conscient qu'il faudra bien me diversifier, surtout aux saisons creuses. Mais j'ai plusieurs amis qui vivent de ce métier ici dans la région. Je travaille déjà avec des clubs de jeunes. Je compte aussi faire la formation de travaux sur corde. Je m'occupe d'une petite salle locale d'escalade et m'investit dans le club alpin de Sierre.

L'hiver, je donne aussi des cours de ski pour personnes handicapées et je guide des engins de ski adapté pour les personnes à mobilité réduite. C'est une autre corde à mon arc et j'adore ce boulot que je trouve super enrichissant.

J'ai aussi une formation d'éducateur spécialisé. Peut-être qu'un jour je trouverai un projet social allié aux sport de montagne dans lequel je pourrai travailler. Le brevet de guide est très reconnu en Suisse et il peut aussi m'ouvrir de nombreuses portes dans des domaines très différents. Ce diplôme représente des valeurs positives comme la responsabilité qui ne laisse pas insensible les employeurs.

Mais c'est de la musique d'avenir. Pour le moment, j'ai un travail à 40% et je consacre le reste de mon temps à guider et m'entraîner pour pouvoir finir cette formation.

Bonne chance!

Hube