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30-12-2009

Expédition Pérou 2009 - 2ème partie

De l'Artensonraju au Churup

yannickdb

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... Après notre victoire sur l'Alpamayo notre courage est au beau fixe. Nous constatons que même en haute altitude l'escalade technique ne pose pas de problèmes. C'est pourquoi nous recherchons un joli sommet et surtout une belle ligne (et pas forcément la plus longue). Nos yeux tombent rapidement sur la vallée Paron. Elle exauce nos souhaits de la meilleure façon avec la Pyramide de Garilasco et l'Artensonraju. Après un tour de table, des regards brillants et des commentaires comme ?El Pyramide, cela fait des années qu'elle n'est plus grimpée, beaucoup trop dangereux?, nous abandonnons le projet de cette première pour nous focaliser sur la seconde. Ce sera l'Artesonraju (6025m). A notre arrivée au camp de moraine nous constatons qu'aucune trace n'est faite sur l'arête sud-est et que les 2 autres équipes du camp ne vont pas nous faire ce plaisir. De là la question: ?Qu'est-ce qui est le plus important, le sommet ou la voie?? Ce sera la voie. Nous n'optons donc pas pour la voie normale avec plus de chance de succès mais bien pour l'arête sud-est prometteuse.

Pleins de bonne volonté, nous nous trouvons sur le glacier vers 1h à la recherche du cône de neige. Sans lune, sans trace et - on ose à peine l'écrire - sans plan d'attaque, ce n'est pas évident. Prenez la célèbre unconsolidated sugarsnow et en deux temps trois mouvements, vous ne savez plus si c'est à gauche, à droite, en haut ou en bas que ça se passe. Lorsqu'un peu plus tard, on prend la crevasse pour un gros serac, nous sommes certains qu'une traversée est la solution pour rejoindre la voie. Mais c'est à prendre comme une bonne leçon. Tourner en rond sans direction sur une montagne n'est pas une bonne idée en soi. Nous décidons de faire demi-tour avant que les choses n'empirent. La tempête de neige qui s'est déclaré peu après n'a pu adoucir la peine que partiellement?

Pour rebooster notre moral après l'échec de l'Aresonraju nous quittons les montagnes élevées et trop enneigées. Un peu d'escalade sportive ne peut nous faire que du bien. Aucun de nous trois n'est vraiment fan de cette branche de l'escalade. Dans notre tête on pense plutôt à trois jours d'escalade farniente. Depuis quelques semaines des avis très positifs courent sur la beauté d'un massif situé à une demi-heure de Huaraz: Hatun Machay. Avec un paquet de nourriture pour reprendre des forces, nous montons dans le bus avec des grimpeurs de tout acabit. Il fait déjà sombre lorsqu'on arrive à 4200m. Nous montons notre tente et nous allons dormir sans avoir touché le moindre morceau de rocher? WOW! Cela a dû m'échapper parce qu'en ouvrant la tente le lendemain j'ai pu découvrir un paysage désertique sublime avec plus bas dans la vallée, la plus suprenante formation de rochers jamais vue. Cela ressemble à de forêts en dur avec des pics d'une trentaine de mètres et au milieu des blocs qui rendraient jaloux Fontainebleau. Après un échauffement et un petit-déjeuner sous le soleil, nous décidons d'explorer les alentours d'un peu plus près. Après quelques blocs pour s'échauffer, on constate que le rocher est une sorte de grès avec pas mal de grip assez fragile par endroit. Pour les longueurs, aucun souci, tout semble être propre.

Hatun Machay est un massif d'escalade sportive qui n'existe que depuis 4 ans. Malgré son jeune âge et de par son immense potentiel il est déjà devenu le plus grand du Pérou. Dans la vallée elle-même, pas grand chose à signaler d'autre. Seul un gîte low budget sans électricité. On y trouve des voies du 4 au 8a, mais la majorité se situe dans le 6 et le 7. Et probablement des blocs pour une vie entière, mais vous devrez amener votre brosse et votre burin pour faire le ménage.

Des voies parfaitement équipées dans tous les styles ont rendu notre journée agréable. Dalles, dévers, tout y est passé sous un soleil resplendissant. Après trois journées complètes consacrées à rien d'autres que grimper et manger, nous étions prêts pour un nouvel essai alpin?

Nos batteries rechargées, nous jetons notre dévolu sur le Churup (5493). Pas trop haut, voie technique, près de Huaraz et selon nos sources, en condition. Il ne nous faut pas grand chose de plus. Hans nous rejoint à ce moment-là après en avoir fini avec son job de guide de voyage. Lorsque pendant l'approche nous voyons poindre pour la première fois le pic on se regarde tous le coeur battant. ?As-tu déjà grimpé une ligne directe dans un mur aussi escarpé?? ?Eeuh, non?? ?Est-ce qu'on se surestime?? ?eeuhm? Souci pour demain??

1000 mètres de dénivelé et 85 degrés d'escalade en mixte sont les mots qui pointent dans le topo, mais la réalité est souvent toute différente. Après avoir établi notre camp près d'un petit lac idylllique tout le monde s'endort rapidement en rêvant à un lendemain difficile. A 3h nous nous lançons dans quelques heures de sauts de puce sur rocher jusqu'à la frontière neigeuse. Un peu plus haut et sans crampons, nous faisons face à un début d'un grand couloir. A partir d'ici nous nous séparons en 2 cordées, ce qui déplaît quelque peu à Hans. La fatigue et l'altitude sont plus forts que lui et il prend la difficile décision de faire demi-tour seul, afin que nous puissions continuer à trois. Après avoir gravi l'étroit couloir nous devons encore passer la rimaye et traverser un peu pour atteindre la base du mur. Comme prévu, il est juste 6h et nous pouvons continuer sans lampe frontale.

Le début de la voie finale doit selon le topo tester nos ?mixed climbing skills? et cela se vérifie. Koen doit mettre en pratique ses techniques éprouvées pour atteindre le prochain relais. Hélas un morceau de rocher lisse recouvert de poudreuse nous barre le passage?

?Faire demi-tour?? Eh bien non. Par chance, Koen trouve un passage à gauche via une traversée pourrie qui nous amène 1 longueur plus haut dans la même voie. Quelques pitons rouillés nous prouvent que nous ne sommes pas les seuls à avoir tenté cette variante. Vient mon tour. 60 mètres d'ascension sans la moindre possibilité de placer un point d'ancrage pour m'assurer. Cela nous amène dans le soleil. C'est à An de tracer les 150 derniers mètres vers le sommet. Le travail est rendu pénible par la neige rendue molle sous l'effet des rayons du soleil.

Qu'à cela ne tienne. Un sommet étroit avec une vue splendide, du beau temps, seuls et avec un sensation de fierté causé par la réussite d'une voie difficile. Existe-t-il une meilleure sentiment au sommet d'une montagne? 9 rappels plus tard nous nous empressons de rentrer à la tente où Hans nous attend déjà avec une soupe chaude?

Nous sommes tous convaincus que nous avons livré une belle prestation. Grimper technique à cette altitude sans aucune trace pour nous orienter; la synthèse de ce que nous avions appris pendant 2 ans chez MountCoach?

Note de bas de page:

2 jours après notre ascension du Churup j'ai quitté Koen, An et Hans. Mon expédition était terminée. J'ai pris la direction de Lima pour récupérer ma copine et pousser la reconnaissance un mois de plus dans le centre du Pérou et en Bolivie. Koen et Hans devaient encore grimper 2 semaines sur place et An - juste avant son stage en Equateur - avait encore assez de temps pour tenter un essai sur la face ouest du Tocclaraju (6032m). Nous avions déjà aperçu ce sommet depuis la valllée de l'Ishinca. Tous en forme optimale, une bonne météo et - selon certains - une montagne en parfaite condition; tout pouvait présager d'un nouveau succès.

Malheureusement j'ai reçu un appel sur mon téléphone le 2 août m'indiquant que la nature avait frappé durement. Koen, An et Hans étaient décédés de par l'écroulement d'un sérac sur le Tocclaraju?

Yannick de Bièvre

Merci à nos sponsors: K2 Antwerpen, Aleluja, Klimax et KBF

Vous retrouverez sur ce lien toute l'histoire en photo ou via la page photo de notre blog: www.mountcoach.net