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22-6-2007

Le Grand Combin à ski

Le Couloir du Gardien

Geert Vanbeveren
Geert Vanbeveren

Extrait de SAC ? Führer ?Die schönsten Skitouren?:
"Cette montagne admirable offre une perspective étendue sur les deux côtés des Alpes et rappelle les paysages de l'Himalaya. Solitaires, la hauteur et la structure des glaciers renforcent cette image."

Nous sommes en route à 3h15. Un quart d'heure plus tard que prévu. La pose de mes lentilles de contact a pris un peu plus de temps que d'habitude. Dans le cadre de notre préparation pour le Chili nous errons depuis trois jours sur le Glacier de Corbassière.

Basis kamp

Nous venons d'inscrire le Tournelon Blanc (3.702m) et le Petit Combin (3.663m) à notre palmarès. Nous avions choisi les variantes les plus escarpées afin de nous préparer pour le Grand Combin. Malheureusement nous avons dû laisser tomber la descente du Petit Combin par le Glacier des Follats (D/D+). La chaleur et les Nasschneelawines omini-présentes ont en effet rendu les conditions sur le glacier complètement impraticables.

Peter klimtEn tête de cordée Wim me tire sérieusement pendant toute la première heure de marche. Le temps pour moi de perdre une de mes lentilles et de constater que ma frontale Petzl ne fonctionne plus... Conséquence, avec un demi-oeil et une lampe de vélo microscopique entre les dents je m'accroche désepérement à lui dans la pénombre.
Lorsqu'il commence à faire jour je prends la tête des opérations. La longue traversée du glacier à travers les crevasses est derrière nous. A 3.580m - après une petite montée de 900 mètres - les difficultés commencent. A cet endroit la voie se scinde en deux. Ou bien à gauche vers le corridor plus facile mais aussi plus dangereux. Ou bien à droite via le côté NO plus raide.

A la jonction entre la vallée et le glacier, chargés de nos sacs à dos de 30 à 35kg, nous avions rencontré deux Allemands. Descendant du Grand Combin ils nous avaient prévénu que la face NO était vraiment très escarpée.

Ces considérations en tête, notre dévolu tombe sur le côté NO. Nous n'avons aucune envie de traverser le corridor et de passer plus d'une heure exposés aux chutes de séracs hauts comme des tours. Ce qui servait de voie normale à l'époque est encore emprunté pour réaliser la descente à ski.
La face NO quant à elle s'élève sur approximativement 400 mètres de dénivelé: assez large au début, la voie se rétrécit au contact de la ceinture de séracs. Le cheminement commence par une pente à 45° d'inclinaison, suivi d'un mur moins raide, pour de nouveau atteindre les 45° en dessous des séracs. Les 80 derniers mètres doivent être passés par la droite pour trouver une échappatoire vers le haut. Cette partie est de plus en plus raide (50°-60°) avec quelques passages de glace blanche. La sortie évolue d'année en année en fonction des mouvements et de la déterioration de la zone de fracture.
La traces éparse laissée par les Allemands nous est maintenant très utile même si elle est quasiment entièrement recouverte de neige ou dispersée par le vent. Une trace faite de grosses marques de pas nous laisse à penser que le flanc n'a pas été descendu à ski mais bien à pieds.
Après la sortie j'échange à nouveau mes crampons contre mes skis, suivi quelques minutes plus tard par Wim. Nous sortons l'appareil photo et nous remettons en route rapidement. 300 mètres de dénivelé sur un trajet peu difficile nous attendent encore. Il traverse les failles du glacier qui sont légèrement occultées ici et là. Faire la trace devient de plus en plus compliqué, l'altitude faisant tout doucement son travail.

Wim klimt

Il y a quelques années, j'avais entrepris de grimper avec Els le Combin de Corbassière via la sympathique arête SE. La vue magnifique sur le Grand Combin m'avait fait alors rêver d'une ascension à ski.

A dix heures moins quart nos pieds foulent les 4.314 m du Combin de Grafeneire, le point culminant du Grand Combin. Enfin! La vue est impressionnnante et mon âme vole au gré des sommets avoisinants. Après un rapide snack et les photos obligatoires du sommet nous nous préparons pour la descente. Nous décidons de rester un peu plus à gauche afin de parvenir au col situé plus ou moins entre le Combin de Grafeneire et le moins imposant Combin de Valsorey. Arrivés sur place, nous traversons ensuite à droite pour parvenir à la sortie de la zone dangereuse. Les crampons à nouveau chaussés nous désescaladons le passage escarpé.

Peter in de afdaling

J'aplanis la neige entre les séracs afin d'obtenir un petit plateau pour chausser mes skis. Je me sens en pleine forme, l'esprit dégagé de toute contrainte. Wim descend un peu plus bas pour ôter ses propres crampons.
La côte est égale mais particulièrement difficile: nous sommes encore en haute altitude (entre 4.000m et 3.600m), la pente ne prenant le soleil qu'un peu tard dans l'après-midi. Nous descendons donc super-concentrés? Après les premiers sauts/tournants je me stabilise afin de reprendre le contrôle. Les aspérités créées par le vent augmentent encore la dose d'engagement. La partie inférieure, où pointe le soleil, est plus égale. A cet endroit la descente en est d'autant plus relaxe.
Après la pente très raide le plaisir prend le pas sur la difficulté. Nous glissons de 3.600m à 2.800m sur une neige parfaitement accueillante. Une symphonie de mouvements élégants nous mènent à la base du glacier. Nous passons en mode ski de fond pour traverser le glacier comme deux étoiles filantes, destination notre tente. La nouvelle Suunto de Wim indique 9h30. Pas mal, l'horaire du topo indique 12 heures sans les poses et 14 heures au total.

Route

Nous remballons tout le matériel, laissons la tente sécher et embarquons 30 nouveaux kilos dans nos sacs. Arrivés à la Cabane de Pannosière nous faisons halte pour une soupe bien méritée. Nous avions promis de repasser pour rassurer Wirt avant de redescendre dans la vallée. Deux Italiens très intéressés en profitent pour s'informer des conditions. Ils veulent également tenter l'ascension par le Couloir du Gardien. Pour la descente ils choisissent le corridor.
A la sortie du refuge nous rechaussons nos skis pour descendre 300 mètres de dénivelé supplémentaires. La neige est trempée et avec des sacs à dos astronomiques on peut dire que le plaisir de skier a disparu complètement! A 2.300m nous accrochons nos skis sur les sacs et commençons la cavalcade vers la vallée. S'annoncent encore 850 mètres de dénivelé en chaussures de ski sous un soleil de plomb.
La voiture est atteinte vers 18h avec 15 heures d'effort dans les jambes: 1.850 mètres de dénivelé positif, 3.000 de négatif, un démontage de camp, une sérieuse ascension, une descente pimentée et tous ceci, sur un des plus beaux sommets des Alpes. Test Chili réussi.

Couloir du Gardien: Escalade: AD/AD+, Ski: 45° - S4/S5, total : D/?

Peter Van Hoof

Photos: Wim De Bruyn et Peter Vanhoof