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10-6-2002

Terre, ton eau fout le camp

Canyoning au pied du volcan

J-C Vittoz
J-C Vittoz

Dimanche 12 mars 2000, sept membres du Club Abyss accompagnés de Philou et de moi-même, avons comme lieux de rendez-vous l'aéroport de Bierset. La destination est la deuxième île en importance de l'archipel canarien, Tenerife.

Après un vol de plus de quatre heures, nous atterrissons sur la côte sud de l'île. Nous prenons possession de nos trois véhicules de location et, par l'unique autoroute, nous rejoignons rapidement notre confortable hôtel. Il est alors 22h30 (heure locale). L'hôtel est situé à La Caleta, petite localité périphérique informe et sans caractère, à l'instar d'ailleurs de pratiquement toute la côte sud, mais nous ne nous étendrons pas trop sur ce sujet. Heureusement, c'est la montagne qui nous attend. Elle, par contre, est superbe et débordante de contrastes. Le lendemain, nous décidons d'effectuer la descente du ''Barranco de Los Carrizales''. Le choix est tout à fait idéal pour une mise en jambe et un premier contact avec cette roche volcanique et basaltique. Il accuse 2500 m de long pour 350 m de dénivelée. Une approche de cinq minutes, une descente de trois heures et un retour estimé à deux heures mais comme le précise le topo-guide, assez complexe. Mais la suite va nous prouver la véracité du renseignement ? Le canyon, commençant par une courte zone de bambous, est alimenté par un ruisseau déjà à l'étiage. De suite, une succession de ressauts sont alternativement désescaladés, descendus en rappels ou sautés. Les vasques peu profondes sont franchies en quelques mouvements de brasse. Comme dirait l'autre, si ce n'est pas l'ambiance ''Hollywood chewing-gum'', c'est quand même ''Fraîcheur de Vivre''. On s'amuse comme des gamins.

Sans être encaissée, la gorge est profonde et dominée par d'imposantes parois verticales à la roche tourmentée, où tels des grimpeurs, s'accrochent de beaux cactus en forme de candélabres. Par endroits se dressent des monolithes de basalte. Vraiment superbe ce premier ''Barranco'' !

La finale n'est pas en reste, nous débouchons dans une petite crique au sable noir , surplombée par d'impressionnantes falaises dressées face à l'océan. Sans attendre, nous nous y précipitons, tout équipé pour certains. L'endroit me procure des sensations étranges, c'est tout à fait le décor de ''La planète des singes'' (les extérieurs de la série y ont été réellement tournés). Nous batifolons quelques instants, prenons quelques clichés, ingurgitons un trop maigre remontant et séchons rapidement le matos tout en nous préparant pour la remontée. L'idéal serait un bateau, mais, pour nous, la suite est vers le haut. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat, dans deux heures au maximum, nous serons arrivés aux voitures.

Un semblant de trace débute en rive droite, elle monte en serpentant entre les cactus et les épineux. Bordel, nous sommes en short ! Tiens, un cairn, nous sommes sur le bon cheminement même s'il s'escarpe de plus en plus. Le ciel est bleu, le soleil est au zénith, la chaleur se fait de plus en plus étouffante. Un autre cairn est repéré juste avant d'atteindre la première bosse. Nous avons rapidement pris de l'altitude mais nous n'avons pratiquement pas avancé. Nous poursuivons en effectuant des traversées ascendantes, au gré des cairns qui se font de plus en plus rares.

Nous continuons à grimper en adoptant la méthode du début : les premiers parvenus à la halte (à l'ombre de préférence), attendent les suivants. Pendant que ces derniers récupèrent un tantinet, nous repartons pour repérer la suite de ''l'itinéraire''. Putain, on n'aperçoit plus de cairns ! Loin d'être perdus, nous sommes pourtant bien paumés? Je propose de traverser le long d'une barre rocheuse mais on me répond que c'est bien trop risqué. Nous poursuivons donc notre ascension. Arrivés à l'ombre d'un étroit surplomb, une petite mise au point s'impose car certains d'entre-nous ne sont plus très frais. Il faut bien le reconnaître, l'escapade n'est pas de tout repos.

Maintenant nous n'avons plus rien à boire ni à grignoter, mais qu'importe, Philou à une idée géniale, les cactus ! Il n'y a que cela tout autour de nous et leur fruits seraient comestibles. Effectivement, c'est bon et tonique, mais aussi très épineux. On s'en prend plein la g?, sur la langue et dans le palais!

C'est plein d'épines de cactacées que le groupe bien malgré lui, s'obstine à poursuivre vers le haut. A présent, il faut littéralement se frayer un passage entre la végétation urticante. J'en ai marre ! Je décide d'emprunter un couloir abrupt et bien marqué qui dégringole vers le bas. A l'évidence, il n'inspire que moi, mais c'est à coup sûr la solution la plus directe. Je préviens mes compagnons qui sont maintenant approximativement à 150m plus haut, que c'est ''la merde la plus totale''. Je n'ai vraiment pas envie de remonter. Je continue seul sous mon entière responsabilité...

La descente est raide et scabreuse. Elle me laisse les genoux en compote mais quelle joie, je prends pied sur une sente balisée de cairns qui me conduira, non sans détours, aux voitures. Derrière moi, j'aperçois mes équipiers qui se découpent sur l'arête sommitale. Je hurle pour leur signaler que tout va bien.

J'attends déjà depuis un bon bout de temps. La nuit tombe, comme la température. Brrr, il fait plutôt frisquet sans bouger. Je commence à m'inquiéter sur le sort de mes compagnons, surtout que l'un d'entre eux souffre de diabète. Je hurle et donne des coups de sifflets stridents qui résonnent dans la nuit, mais les appels restent sans réponse. Je continue à intervalles réguliers quand tout à coup, j'entends une voix et aperçois la lueur d'une frontale. C'est Philou ! Il m'annonce que Xavier et Vincent le suivent et que le reste du groupe épuisé se repose dans un abri troglodytique.

Philou et moi restons sur place (honneur aux plus vieux) tandis que Vincent et Xavier partent à la recherche de boissons et de victuailles. Dans la foulée, ils remontent vers le bivouac improvisé avec l'approvisionnement tant attendu. C'est seulement vers 2h30 du matin que l'ensemble du groupe rejoint l'hôtel.

En résumé, Los Carrizales est une des plus belles classiques de l'île mais l'idéal serait de louer un bateau pour un retour moins fastidieux? La majorité des canyons, pour le moins ceux du Sud, sont taris et le resteront probablement ''ad vitam aeternam''. Ici, comme un peu partout dans le monde, l'eau est vitale et devient une denrée rare. Les autochtones ont tout canalisé, ru, résurgence et source sont récoltés par des petits aqueducs et des tuyaux. De toute façon, ce n'est pas l'eau qui coule dans ces rigoles qui pourrait encore alimenter et engendrer des canyons dignes de ce nom ; ''Terre, ton eau faut le camp''.

les Photos sont de Gérald Faway et Vincent Kalut