Alpinisme
>
Articles 

En Bolivie, aventure garantie!

Concours articles 2005

23 novembre 2005, 

Voici une histoire pas comme les autres, celle de quatre camarades (Nele, Kobe, Dirk et Erik) ayant décidé de vivre une aventure en Bolivie.

Elle naquit en rêve une bonne année avant de partir. Arrivèrent ainsi à la surface les premiers projets d'ascension. 5000, 6000... Le temps également que l'entraînement s'intensifie. Une année chargée s'annoncait tant les émotions à vivre allaient être intenses: se préparer physiquement, mentalement et aussi... financièrement.

Groupe Condoriri avec le Cabeza de condor au centre

Le jour du départ, tout était fin prêt. Nos valises tournaient autour des 28kg pour 9kg de bagages à main. Les chaussures type D aux pieds, c'est pour des extra-terrestres que nous prîmes les douaniers au moment de l'embarquement. C'était vraiment nécessaire, histoire de ne pas dépasser la limite autorisée.
30 heures plus tard, un paysage bolivien typiquement brun et un splendide Illimani nous accueillaient à l'atterrissage. A peine sorti de l'aéroport depuis dix minutes que ma langue pendait déjà à hauteur de mes chaussures. L'aéroport se situe à 3800 mètres d'altitude...
Heureusement les taxis étaient là, à l'affût du moindre touriste en manque d'oxygène et sur les starting bloks pour nous emmener à l'hôtel.
La Paz, la capitale de la Bolivie, et El Alto sont deux villes complètement différentes qui se complètent néanmoins parfaitement. Magnifiques, chacune à leur manière!
Dans notre hôtel, l'Hotel Republica, règnait un calme olympien, et, nous avons pu le constater, c'est plutôt rare à La Paz. La population bolivienne est en effet réputée pour son sens de la fête, des parades, des défilés militaires,... Quelque chose que nous avons découvert tout au long de notre séjour sur place.

Après deux jours d'acclimatation à la culture et à l'altitude, nous réglions notre transfert pour le Lago Titicaca, où nous projetions au total une semaine d'acclimatation.
Quatre heures de trajet en bus avec une correspondance et c'était l'arrivée à Copacobana, une jolie petite ville acôtée au Lac Titicaca, disposant d'une magnifique vue sur le Illampu. Une fois sur place, c'est debout sur le mont Calvaire que nous avons pu profiter d'un crépuscule d'anthologie surplombant Copacobana. La cathédrale blanche de la cité pointait son nez au dessus de la ville et nous offrait un spectacle grandiose.
Nous cherchâmes un hôtel pour passer la nuit et le lendemain matin, nous partions à pied avec nos sacs à dos pour une ballade de 17km le long du lac. Dans le courant de l'après-midi nous nous arrrêtions pour manger un morceau. Au programme, soupe avec pommes de terre préparée à la locale!
C'est aussi à cet endroit que nous avons pu entreprendre la traversée vers le point le plus proche, l'Isla del Sol. Cela sentait fort comme un atterrissage illégal sur une île.
Un hôtel under construction nous y attendait. Par définition très bon marché...

Le jour qui suivit, nous passâmes notre temps à croiser l'île de long en large et à découvrir les temples qui l'habitent. L'occasion aussi de réaliser notre premier sommet, le Cerro Santa Barbara (4032m). Pour certains, déjà un record d'altitude.
Le retour vers La Paz fut par contre un peu moins enchanteur. Les ferry pour touristes sont plutôt avides de benzine. Cinq minutes après notre départ, les pilotes arrivèrent à la conclusion que nous étions en surcharge! Il ne fallut dès lors pas très longtemps pour que quelques volontaires débarquent sur un autre bateau. Le chaos organisationnel bolivien nous éclaboussait à la figure! 

Après deux jours de préparation à La Paz, nous partîmes enfin pour le camp de base du Condoriri. Comptez un voyage en jeep jusqu'au petit village de Tuni puis 2h30 de marche sous la surveillance de quatre ânes et d'une Bolivienne plutôt coriace en connaissant un morceau sur l'affaire.
Le camp de base était situé sur le splendide petit lac de Chiar Khota (4700m). Une fois arrivé là, nous pûmes enfin reprendre haleine. C'était sans compter sur nos devoirs du jour: monter les tentes, filtrer l'eau, préparer la soupe et le repas, etc ...
Le sommeil ne tarda cependant pas à nous rattraper, épuisés par cette rude journée de labeur.
Pour notre premier sommet d'acclimatation, nous jetâmes notre dévolu sur le Cerro Austria (5300m). Une montagne sans neige ni glace, seulement parsemée des cailloux perdus, avec un petit torrent bien alimenté le long du sentier. Le besoin en oxygène était normal mais heureusement pour nous, le tempo n'était pas trop intense. L'arrivée au sommet offrit un moment d'euphorie intense à chacun d'entre nous; mais il se peut que ce soit dû uniquement à l'altitude.

Les pénitents sur le TarijaC'est avec beaucoup de bonnes sensations que nous commençâmes l'ascension du Piramida Blanca (5230m) par la voie normale, I/PD 40°. Un glacier très complexe (que nous atteignîmes après 2 heures de marche), offre une vue de calvaire où la voie fut très difficile à trouver et où les crevasses ne nous permettaient pas un moment de déconcentration.
Atteindre le sommet via ce terrain miné alla de pair avec un épuisement énorme. La partie supérieure vierge de toute trace de neige nous obligea à commencer une escalade sur un lit de rochers instables!
A l'image de la montée, la descente fut tout aussi stressante. Un vrai soulagement que d'arriver aux tentes sains et saufs.
Suivit une journée de repos à bien s'alimenter. Nous en avions besoin!!

Un grand challenge nous attendait le lendemain: Tarija (5060m) et Pequeña Alpamayo (5370m) par la voie normale, III/AD 55°.
Pour atteindre le Tarija, nous devions à nouveau traverser le glacier très complexe, suivi par une descente sur cailloux dès le sommet du Tarija atteint, pour remonter ensuite vers le Pequeña Alpamayo. Les pénitents furent très présents pendant toute cette ascension. Et le Pequeña Alpamayo ne donnait pas la même vision que celle que le topo nous proposait: la montagne était complètement recouverte de neige et de glace, la pente montant même jusqu'à 55-60°!! La voie normale qui se faufilait sur une arête fort agréable fut par conséquent un beau petit challenge.
Nos sacs à dos laissés au pied du Pequeña Alpamayo, nous entreprîmes de gravir ce mur en deux cordées. Dirk fut en charge de placer les vis à glace et moi, de les reprendre. Ce fut pour nous la meilleure façon de gagner du temps. Après 7 heures d'escalade, nous arrivâmes au sommet, tous ravis. Une ascension à sensations, qui après coup, nous a paru être la voie la plus complexe de toutes ces vacances.

La retour fut sans problème, un rappel et le reste en corde tendue. Ce fut un long chemin de croix, du fait que nous devions à nouveau réaliser l'ascension du Tarija, avant de pouvoir redescendre par le glacier désormais connu. Nous atteignîmes les tentes à 16h.
Ces efforts nous coûtèrent un jour de repos, renforcé par la masse nuageuse et quelques chutes de neige espacées. Le Cabeza de Condor faisait d'ailleurs également partie de notre programme. Cependant la couche de neige n'étant pas assez épaisse, c'est une mer de cailloux instables qui nous attendait dès la première pente. Dommage car il était vraiment impressionnant vu de la vallée.

De retour à La Paz, nous décidâmes d'une petite excursion à Tiwanaku (un site pré-Inca) et préparâmes dans la foulée notre prochaine ascension: l'Huyana Potosi (6088m) par la voie normale, II/AD- 50°.
C'est une autoroute au départ de La Paz qui nous amena au camp de base à 4700m, suivi par une ascension de 2 heures, jusqu'au Campamento Rocca 5200m, avec un sac à dos de plus de 30kg. Nous avions appris que ce campamento était surpeuplé. Nous réussîmes tout de même à trouver deux petites places pour nous installer.

En route vers le Campamento Rocca

L'ascension était normalement prévue pour le lendemain, mais Erik et moi fîmes demi-tour après seulement 15 minutes de marche. En cause, un froid constant déstabilisateur. Kobe et Dirk grimpèrent facilement jusqu'au sommet mais rentrèrent juste dans les temps.
Le jour suivant, Erik et moi entreprîmes d'atteindre le sommet, ce qui fut fait dans un meilleur temps. L'avantage d'une journée de repos s'est révélé non négligeable.
Autre avantage, les tentes étaient gardées en permanence et nous pouvions nous préparer à manger et boire mutuellement. Nous avions le sentiment de pouvoir compter l'un sur l'autre. Nous en aurions encore besoin.
Cette ascension ne fut pas trop technique mais consistait en une marche pied pour pied vers le sommet.
Deux passages plus difficiles venaient égrener le sentier: un passage incliné de 20m à mi-chemin ainsi que les 200 derniers mètres, composés d'une pente à 50°. Rester bien ancrés dans ces chaussures fut donc une exigence. En même temps qu'une bonne acclimatation. Ce fut la raison pour laquelle nous y restâmes si longtemps, en comparaison avec la plupart des autres sommets. Nous entreprîmes la descente vers le camp de base le jour même, où nous fûmes emportés par notre chauffeur, fort sympathique et de surcroît, dépourvu de quasi toutes ses dents.
Encore une prestation de beau niveau!

De retour à La Paz, musées et préparations furent de nouveau notre lot quotidien. La suite prenait forme. Notre plus haut projet: l'Illimani (6453m) par la voie normal, II/PD 50°.
Après plus de 4h de route en bus, nous arrivâmes dans le petit village de Pinaya, lieu d'embarquement vers le camp de base (4400m) , accompagné de 2 ânes s'il vous plaît! En deux heures nous y étions déjà. La routine avait eu le temps de s'installer. Toute l'équipe était fin prête pour l'ascension.

Campo Roca sur le Huyana Potosi

Ce fut un de nos plus beaux camps de base jusqu'alors! Unique et très calme, véritable jungle accueillant lamas, chevaux, lapins, porcs, et autres oiseaux typiques des Andes. Le sol tout plat nous faisait penser à un doux revêtement en liège. Même la présence d'un ruisseau débordant d'énergie nous fut agréable, allant de pair avec un soleil chaleureux et une brise légère, ...
La journée du lendemain fut consacrée à une ascension de 3h30 jusqu'au Nido de Condores 5450m.
Nous avions loué quatre porteurs qui, pour l'occasion, jouèrent également le rôle de guides. Nous en reçumes six pour l'aller et deux pour le retour. Typiquement bolivien: un chaos tranquille!
Nous avions effectivement beaucoup réfléchi avant de prendre cette décision. Nous aurions normalement dû tout faire en style alpin, mais nous voulions nous donner toutes les chances de réussir. Et en même temps donner un petit coup de pouce à l'économie locale...
C'est vers 8h que tout débuta et à midi nous étions à portée du camp d'altitude (5450m). Avec en prime une magnifique vue sur les vallées, les montagnes alentour et le Lago Titicaca, ...
Notre premier boulot une fois arrivé fut de monter les tentes, de faire fondre de la neige, de filtrer de l'eau, de faire de la soupe et ensuite de préparer le reste du repas. Nous n'avons finalement pas réussi à honorer le reste du repas...

Nous n'étions pas les seuls au camp d'altitude. Six Italiens y avaient également élu domicile. Lorsque nous y arrivâmes ils étaient occupés à descendre du sommet de l'Illimani. Trois d'entre eux arrivèrent au camp d'altitude pendant notre séance de filtrage d'eau. Les trois autres étaient encore assez haut et ne montraient pas le bout de leur nez. Vers 16h il était clair que quelque chose de sérieux s'était passé, là haut à près de 6000m d'altitude. Nous aperçumes finalement un des 3 Italiens manquants descendre vers nous agité et hurlant. Un des ses compères alla jusqu'à lui pour le mener jusqu'au camp. Constat: un de leur ami avait cassé sa cheville du fait qu'un de ses partenaires était tombé sur la partie la moins raide de la voie. L'altitude a certainement joué un rôle dans l'histoire.
Nous décidâmes finalement que nous devions le ramener en bas car personne d'autres au camp d'altitude n'était encore en état, hormis peut-être un guide bolivien. Passer une nuit sur cette montagne n'était effectivement pas une option pour une personne dans cet état.
Notre choix fut rapide: sauver une vie et ne pas faire l'ascension ou redescendre un mort le lendemain. La montagne a ses propres lois et nous étions enclins à les respecter.

Nous démarrâmes donc à cinq vers 16h30, calmes mais résolus, car nous avions déjà un dénivelé sérieux dans les jambes et pas énormément remplis nos estomacs!
Notre mot d'ordre avec le départ fut néanmoins précis: notre sécurité avant tout!
La victime fut en vue vers 19h, à une altitude de près de 6000m. Celui qui était resté avec lui commença sa descente de sa propre initiative. Il ne désirait plus marcher encordé. Notre souci de l'instant s'appelait Luka, l'Italien avec sa cheville cassée. C'est à quatre qu'il fut porter pas à pas vers le camp. Quant à moi, mon rôle consistait à chercher le chemin le plus facile dans la nuit. Heureusement que nous avions prévu une trousse de premier secours bien garnie.
C'est lentement mais sûrement que le chemin fut descendu. Arête escarpée et traversée dangereuse se succédèrent. Nous réussîmes néanmoins à commettre une faute d'appréciation occasionnée par le cumul de la fatigue et du manque de clarté. J'avais cherché le chemin et étais en train d'éclairer une crevasse afin que les hommes de notre expédition puissent déterminer dans quelle direction ils devaient descendre Luka. C'est à ce moment qu'Erik perdit l'équilibre. Il commença à dévaler la pente de glace, sur quelque 50 mètres, avec une série de saltos en prime. Après avoir volé au dessus de la première crevasse, il s'arrêta heureusement sur le bord de la deuxième à 20m de moi.
Hormis une cheville légèrement foulée, un coup de crampon dans sa jambe et un surplus d'adrénaline, Erik était en état de continuer. Nous décidâmes alors avec Dirk et Erik de poursuivre plus avant, laissant à Kobe et au guide le soin d'accompagner descendre Luka sur leurs épaules. Les derniers morceaux de l'ascension étaient plus avenants.
Les premiers d'entre nous arrivèrent vers 2h30 à nos tentes, cela avait littéralement durer des siècles. Nous étions tous les trois morts de fatigue. Le simple fait de retirer nos crampons nous sembla un travail herculéen. Nous avions réussi à motiver deux Italiens à entreprendre la montée pour aller soutenir Kobe et le guide. A 3h, Kobe fit son apparition, heureux comme un fou. Nous étions tous sains et saufs et de retour au bercail!
Le lendemain, Luka fut descendu dans la vallée à l'aide de ses amis et de porteurs. Quelques jours plus tard, il fut opéré d'une triple fracture!

Pequena Alpamayo (5370m escalade sur l'arête)

Nous savions qu'un hélicoptère de sauvetage n'était pas chose courante en Bolivie. Ils ne volent généralement pas au dessus du camp d'altitude et ne transporent principalement que les blessés les plus graves et les morts... En cas d'accident à plus haute altitude c'est à hélicoptère du Pérou auquel on fait appel. Vous comprendrez rapidement avec quel délai il se présente!! C'est bon à savoir. Si vous allez grimper en Bolivie, sachez qu'avec une bonne préparation, c'est la moitié de vos vacances qui sont réussies.

Nous restâmes un jour de plus pour nous reposer. Cela avait finalement été une ascension réellement incroyable! Nous descendîmes le lendemain vers Pinaya. La descente vers le camp de base dura plus longtemps que prévu du fait de la cheville foulée d'Erik. Allégée cependant par la présence des deux porteurs qui emmenèrent chacun vers le base deux sacs à dos. Arrivé au camp de base, Erik fut déposé sur un âne et continua la route en selle pendant une heure. Assez pour lui donner mal aux fesses.
Nous passâmes encore deux jours à La Paz.
Nos amis italiens en profitèrent pour nous inviter pour un petit dîner au Tambo Colonial, où, selon le guide Lonely Planet, la meilleure mousse au chocolat de tout l'hémisphère sud était servie. En réalité, divine! Qui glisse sur la langue, extra...!
Suivit le retour à la maison. Rentrer dans ses pénattes, une vraie fête!

Sommet du Pequena Alpamayo

Grâce à notre bonne collaboration, nous avons tout fait pour que cette histoire ait une fin heureuse. Ce fut également le plus beau voyage qui me fut donner de vivre jusqu'à présent. La Bolivie est un pays magnifique avec une multitude de possibilités. Une fois trouvé votre chemin vers La Paz, tout est possible et l'aventure est garantie!!
 
?Todo es possible, nada es sûr!?

Julliet-Août 2005. Nele Bellinkx - Erik Cammaerts - Kobe Bellinkx - Dirk De Neve.

Traduction: Hubert Canart

 


Vous devez être enregistré pour laisser un commentaire

S'inscrire



Les archives des articles 

Actualité 
Que retenir du Championnat de Belgique de bloc 2015?

Compétition Que retenir du Championnat de Belgique de bloc 2015?

Le dernier Championnat de Belgique de bloc 2015 a vu le sacre de Simon Lorenzi et Chloé Caulier. Devant une assistance clairsemée de par la proximité des vacances, les deux grimpeurs ont affirmé leur supériorité avec beaucoup d'aisance.


Hungaria fermée, quelles sont les alternatives d'escalade à Leuven?

Escalade en salle Hungaria fermée, quelles sont les alternatives d'escalade à Leuven?

A Leuven, une ère s'est achevée ce 30 décembre 2015. la salle d'escalade Hungaria y a définitivement fermé ses portes. D'aucuns diront que c'est tout un pan de l'histoire de l'escalade belge qui se termine. Quel futur pour les grimpeurs locaux?