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Mont Blanc

Route des Trois Monts

21 septembre 2004, 

Croque Monsieur pour 17.50 euro

Le petit-déjeuner a des saveurs particulières. Le jour des grandes ascensions c?est avec du muesli, des petits pains et même parfois de la tarte aux pommes fraîchement sortie du four qu?on se régale. Ce matin-là à Courmayeur, tout est prêt pour notre ascension du Mont-Blanc au départ de Chamonix. Alex (25) et Brent (23) m?accompagnent. Nous séjournons déjà depuis 4 semaines en montagne et avons passé deux nuits à plus de 4500 mètres. Un temps magnifique se prépare et c?est la pleine lune. Que demander de plus.

Lever du soleil depuis le Réfuge des Cosmiques

On s?en doute, les conditions sont là. Une décision cornélienne s?impose et nous avons vite fait de choisir. Nous optons pour la voie difficile : le Mont-Blanc par le Refuge des Cosmiques, le Mont Blanc du Tacul et le Mont Maudit. Et une fois le sommet atteint, redescente par le Nid d?Aigle. Bref une ballade d?une durée totale de 15 heures, option généralement offerte aux grimpeurs voulant éviter l?itinéraire facile. Les sacs à dos sont prêts, voire un peu trop légers à notre goût. Nous y rajoutons rapidement quelques gadgets superflus pour la photo finish : petits drapeaux home made, melon, bouteilles de Jupiler et Chimay bleue. Le supermarché aurait vendu du poulet rôti que nous l?aurions pris avec?

Le tunnel du Mont-Blanc est derrière nous. Nous parquons un des deux véhicules aux Houches et entrons dans le domaine montagnard par l?entrée Chamonix-Sud. Nous stoppons pour un dernier snack avant le départ. La commande est répartie entre un croque-monsieur et un méga ice-tea. Addition : 17,5 Euros par personne! Pas de chance pour nous, ce devait être la taverne la plus chère de Chamonix. Chose qui se confirme au détour d?une ruelle : nous découvrons la statue de Balmat et Paccard, le centre ville? Finis les bavardages, direction le parking du câble vers l?Aiguille du Midi où nous revêtons nos vêtements de montagne. Notre démarche fait penser à la scène du film Armageddon où Bruce Willis & co entrent en slow-motion dans la fusée pour sauver le monde quelques heures plus tard.

Vue sur les Grandes Jorasses

20 minutes se sont écoulées, nous sortons du teléphérique à 3800 mètres et prenons la direction ?Sortie Alpinistes? droit sur l?arête enneigée et une petite demi-heure plus tard, nous débouchons sur le légendaire Refuge des Cosmiques. Après discussion, nous prenons place dans la salle ?Michel Croz?. A première vue un acteur français de x mais, à l?analyse, un grimpeur comme beaucoup d?autres, avec quelques belles ascensions à son palmarès. L?appel des couettes se fait pressant. Nous nous couchons tôt.

La planche

Il est 0h30 et Brent me réveille. J?ai bien dormi malgré le Portugais ronflant qui a visiblement tenu en haleine le reste du dortoir. Nous nous apprêtons et déjeunons déjà équipés aux alentours de 1h. Brent essaie quelque chose de nouveau: au lieu d?un bol de muesli il se prépare une véritable bombe au glucose. Il plonge une tonne de sucre dans son chocolat chaud, mélange un peu et avale délicatement le tout. La bombe doit selon lui l?amener à de superbes performances, mais je crains le célèbre « coup de pompe ». Soit, j?ai heureusement tort. Après notre départ du refuge en 6ème position, nous rattrapons rapidement deux cordées et après 40 minutes, nous avons déjà grimpé 270 mètres de dénivelé.

hier...A 2h30 première difficulté, déjà passée en revue hier au moyen de jumelles. Nous apercevons de gros séracs et quelques minutes plus tard abordons une arête de neige escarpée avec, d?un côté, la chute vers l?abîme et de l?autre, un gouffre de deux mètres de large bordé par un mur de glace cinglant. Une corde statique en descend jusqu?à notre côté. Une petite file s?est formée avant nous (5 grimpeurs tentent en vain de traverser le gouffre). Un grimpeur de pays de l?Est nous met au courant: il suffit de de t?encorder à une corde fixe, tu sautes avec deux piolets de l?autre côté et tu grimpes jusqu?au moment où la paroi se fait moins raide. Une fois arrivé, tu te vaches à un relais sur vis à glace et tu assures tes amis, qui grimpent en second de la même façon. Nous comprenons tout de suite que c?est peine perdue. On a bien de l?audace mais pas de moyens techniques pour réaliser la parade. Tous ceux qui sont arrivés à ce stade possèdent deux piolets techniques, et nous n?avons qu?un piolet semi-technique par personne. Nous passons donc notre temps à observer les man?uvres de ceux qui se lancent dans l?aventure.

... ajourd'huiUne fois le grimpeur de l?Est disparu, nous remarquons que la file sur l?arête escarpée s?est allongée derrière nous. S?y trouve une douzaine de cordées dans lesquelles certaines ont déjà fait demi-tour à la vue du passage. Jusqu?à hier, un pont en neige et une planche comblaient le trou, nous arrivons un jour trop tard. Un Français essaie de sauter de l?autre côté, mais chute.Son fils ne parvient pas à le retenir. Personne ne les aide et il s?enfonce dans le trou béant... Les guides français ne s?occupent que de leurs clients, qui leur rapportent au passage 660 Euros la tête en cas de sommet. Pas le temps de s?occuper de quelqu?un d?autre. Alex, Brent et moi nous portons au secours de la cordée et en moins de temps qu?il ne faut pour le dire, la victime se trouve à nouveau sur la vire. Il nous remercie au passage et nous indique qu?il aurait pu traverser ce passage? il y a quelques années. Rando à l?époque.

Ce que nous vîmes après nous laissa sceptique. Deux guides français travaillant ensemble installèrent une sorte de pont de singe et commencèrent à tirer leurs clients vers le haut. Je reconnus parmi eux une dame qui le matin même n?était pas parvenue à fixer ses crampons elle-même? Qui désire atteindre le sommet dans ces conditions? Pour 660 Euros on vous tracte littéralement. A chacun ses choix.

Entre-temps, nous avons pris froid, mais le spectacle nous tient en haleine. Nous restons. A 3h04 précise arrive un nouveau groupe : le guide français Luc avec 4 clients. Dans son sac à dos : une planche. A cette hauteur, tout peut arriver, mais voir venir une personne avec une planche sur le dos, c?est assez rare, et plutôt hilarant. D?origine plus que douteuse, la planche s?est rapidement révélé être suédoise (Ikea pour les connaisseurs) et probablement « empruntée » au Refuge des Cosmiques. Les larmes de rire encore aux yeux, je remercie Luc et seul le Français que nous avons sorti du gouffre a encore la force d?en plaisanter. Plus personne n?en a envie et chacun pense aux sous qu?il perdra s?il ne parvient pas à passer.

La planche

3h07: Luc n?a pas de chance, la planche gît dans la combe. Faux espoir, mais il s?emploie déjà à tracter ses clients par un autre moyen. Nous avons d?ailleurs aperçu une autre voie, mais quelques grimpeurs l?ont déjà attaquée et ils ne semblent pas vraiment sûrs. Ils ont grande chance de dévisser et de nous emporter avec eux. « La sécurité avant tout » et nous redescendons vers le Refuge des Cosmiques, où Alex retourne à son lit et où Brent et moi restons éveillés pour photographier les premières rayons de soleil. A 8h30 nous prenons le câble pour la vallée et nous terminons notre journée à faire du shopping dans Chamonix, où un McDonalds nous fait des yeux doux. Pas de chance pour le Mont Blanc mais une expérience qui restera gravée à jamais dans nos mémoires. C?est sûr je reviendrai et ce jour-là?

Herman

Trad: Hube


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