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On pouvait voir les os et les tendons

On pouvait voir les os et les tendons

Interview avec Werner Hofmans

8 juillet 2011, 

Déjà enfant Werner Hofmans (40) trouve les montagnes plus intéressantes que les chemins de randonnée. Toute sa vie tourne autour de l'escalade. S'affilier à la VBF à 15 ans ne fait que confirmer l'amour qu'il porte au sport. Au début, tout va piano mais lorsque son cercle de connaissances s'élargit, il devient impossible de le décrocher des rochers. Quelques semaines avant son dix-huitième anniversaire il enchaîne son premier 8a, un niveau auquel beaucoup de grimpeurs ne font que rêver. Werner vit sa plus belle expérience en compagnie de Werner Van Steen à Céüse. On est en 1991 et pour la première fois il passe deux mois entiers à l'étranger pour se consacrer à l'escalade et ceci, à un très haut niveau. En 1996 Werner fait de son hobby son métier. Il devient associé de la salle Hungaria à Leuven.

De la chance malgré un accident

L'année dernière, la salle d'escalade fête ses 20 ans d'existence. Un moment idéal pour envisager des transformations. Les trois gérants actuels - Werner, Dirk et Jo - se mettent à l'ouvrage un an plus tôt en 2009. Pour créer une deuxième salle annexe à l'existante, de grosses plaques en béton sont extraites du plafond. De plusieurs silos à grains naissent une seule et unique salle. Le 15 janvier 2010, Werner est en plein boulot lorsqu'un gros morceau de béton tombe plus vite que prévu. ‘Je n'ai pas pu me retirer à temps et un gros morceau de béton s'est écrasé sur ma main. Conséquence, un gros accident traumatique à la main droite’ indique Werner Hofmans. ‘J'ai été embarqué aux urgences pour subir immédiatement plus de 10 heures d'opération,’ poursuit-il. On procède tout d'abord à de la reconstruction plastique des os. Pour cela, 3 équipes de chirurgiens se succèdent car opérer 10 heures sans pause est naturellement intenable. La même semaine, quatre autres opérations sont réalisées pour apporter quelques modifications mineures. ‘Heureusement seule la main a été touchée. Cela aurait pu être beaucoup plus sérieux!’ Pourtant les premières photos ne sont pas belles à voir. A partir de maintenant Werner devra compter sur une main droite sans index ni majeur.

‘Juste après l'accident j'ai indiqué à mes collègues que je serais de retour dans les deux semaines. Il en a été tout autrement,’ raconte Werner. Le cinq premières opérations ne sont pas suffisantes. Un morceau de tissu à découvert n'a pas encore pu être refermé par les médecins. ‘Pendant deux mois, cette partie de ma main est restée ouverte si bien qu'on pouvait voir les os et les tendons.’ Werner reste un mois et demi à l'hôpital. Il peut ensuite rentrer chez lui pour être invité peu après à une nouvelle opération qui refermera complètement sa main. ‘Ils ont été chercher un muscle de mon avant-bras pour le mettre au niveau de mes doigts. Il a ensuite fallu plus de 7 mois pour que la plaie se referme complètement’, raconte l'intéressé.

Les premiers mois, sa main doit être soignée deux fois par jour. Matin et soir, des infirmières de la Croix Jaune et Blanche défilent chez lui à cet effet. Les soins ne sont pas trop pénibles. Le temps passe et Werner peut s'en occuper lui-même. A côté de ces traitements vient également la kinesithérapie. Pas tout de suite parce que certains tendons doivent encore se reformer. ‘Les séances de kiné n'ont pas été régulières pour autant. Car d'autres opérations ont dû être programmées et à chaque fois il a fallu que ma main se repose. Au final, le kiné n'a vraiment commencé de manière intensive qu'au moment où la blessure était complètement guérie’.

De retour à la salle d'escalade

Trois mois à peine après son accident, Werner revient travailler à la salle Hungaria. Comme indépendant il ne peut d'ailleurs pas se permettre de rester trop longtemps inactif. ‘Je n'ai jamais été ainsi. Je voulais m'y remettre au plus vite! Cela m'a également permis de revenir sur les lieux de l'accident mais tout s'est bien passé. Pendant mon absence les travaux de cette partie du bâtiment étaient heureusement terminés. J'ai apporté ma contribution aux aménagements du rez-de-chaussée. Cela m'a aidé mentalement. Aussi pour me changer les idées’, indique-t-il.
‘Je voulais recommencer à faire du sport aussi vite que possible, mais vu la gravité de l'accident, cela n'a pas été aussi rapide que je l'aurais espéré. J'ai attendu le feu vert du chirurgien mais il ne savait visiblement pas ce qui ce cachait derrière le concept d'escalade. Il a par contre constaté qu'il ne pouvait pas me retenir,’ déclare Werner avec un sourire. Le chirurgien permet à Werner de recommencer à grimper parce qu'il juge qu'il peut lui-même estimer jusqu'à quel point il peut aller. Tant que la main n'est pas trop sollicitée, tout va bien. ‘Au début c'était vraiment frustrant. Une série opérations devaient encore avoir lieu et je savais donc que je pouvais m'entraîner un peu, mais impossible d'envisager un vrai programme. Après neuf mois et dix opérations j'ai pu réellement commencer à m'entraîner’ conclut Werner.

Il progresse relativement vite. Un an après l'incident on peut le voir grimper dans des voies que certains grimpeurs n'enchaîneront jamais. A chaque fois que quelqu'un le rencontre depuis son accident c'est avec un véritable étonnement par rapport à la vitesse avec laquelle il s'améliore. Werner décrit ses premières semaines sur le mur: ‘Je n'ai pas espéré grand chose de mes premières séances d'escalade. J'était déjà content quand je pouvais me retenir avec ma main blessée et pour le reste c'était l'autre qui faisait le boulot. En vérité tout est allé mieux que je le prévoyais. Je pouvais mettre pas mal de force dans le pouce et les deux doigts qui me restaient et après deux mois, j'étais déjà occupé dans du 6c.’ Werner sait toutefois que ce son niveau n'est pas comparable avec le 8b+ qu'il grimpait avant que survienne l'accident. La progression fait vivre sa motivation.

‘Jusqu'à présent le programme se passe bien mais je pense que cela va être beaucoup plus lent à partir de maintenant. Les voies deviennent plus difficiles et il n'existe pas toujours de possibilités pour trouver une solution dans les passages où ma main me limite,’ déclare Werner. Ce phénomène est connu dans beaucoup de sports: l'amélioration est significative les premiers mois. Arrivé à un certain point cela va moins bien parce que les muscles doivent s'adapter plus spécifiquement alors que la technique joue un rôle lui aussi plus important. Pour cette dernière c'est un peu différent car Werner n'a jamais perdu sa technique. Il doit réellement essayer d'adapter sa technique aux capacités de sa main droite et ensuite récupérer de la force dans cette main. Werner n'a jamais été fan des voies techniques. Jadis on pouvait le voir dans les voies qui nécessitaient plus de force. Au plus déversant au mieux c'était. Aujourd'hui ces voies sont mises de côté de par l'absence de puissance procurée par les deux doigts les plus importants du grimpeur. Et pourtant Werner essaie de se dépasser et cherche déjà à se frotter aux surplombs.

Persévérance

‘J'imagine que beaucoup de monde pourrait perdre courage et se laisser tomber dans le canapé. Je n'ai jamais été ainsi et je ne le deviendrai probablement jamais. La passion pour l'escalade est trop grande pour être stoppée par cet accident,’ déclare Werner avec fermeté. Les médecins aussi sont positifs. Ils projètent tout au plus un implant pour rendre la main plus esthétique, mais Werner ne croit pas que ce soit nécessaire. Ils sont contents de leur travail. Aucun n'aurait cru que Werner regrimperait un jour. ‘Ils étaient déjà enthousiastes que je puisse tenir un sylo, et voyez où j'en suis maintenant!’

Hannelore Smitz

Relisez l'interview de Werner réalisée en 2004 (Werner est entre-temps parvenu à grimper du 7a+ en moulinette en falaise et qui a également réussi quelques voies de niveau 7 en salle, ndlr)


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08-07-11
"opérer 10 ans sans pause est naturellement intenable". Et bien 10 ans d'opération, CA c'est une putain de perf

ce serait pas plutot 10 heures?

08-07-11
Merci Yannick

Hube

18-07-11
Ondertussen uit welingelichte bron vernomen dat er nu ook al een 7a in Fontainebleau sneuvelde...

Grtz,
T


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