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Riders on the storm

On a surfé sur la tempête!

16 février 2006, 

5 jours pour approcher la voie et monter du matériel... Une bonne dizaine d'aller-retour entre l'entrée du parc et le pied de la voie... 11 jours en pleine paroi, 11 jours sans toucher le sol... 11 jours incroyables... une aventure extraordinaire.
Le 8 février 2006 à 19h31, Oli, Mike, Seán et Nico arrivent au sommet de la tour centrale du Paine par la voie "Riders in the storm". On l'a fait! Yeeaaah!!!!! Laissez-nous vous raconter ce qui nous est arrivé durant ces 16 jours sans nouvelles...

Nico on Bonnington route on Torre Central

Entrée en matière catastrophique

Après avoir quitté notre camp de base sous la tempête, les tentes solidement ancrées, nous sommes revenus à Puerto Natales pour un ravitaillement et donner quelques news. Le 27 janvier, nous sommes repartis vers notre camp avancé pour tenter le gros projet de l'expédition dans le parc : une ligne majeure en pleine face est de la tour centrale, ouverte en 1991 par W. Güllich, K. Albert, B. Arnold, N. Batz et P. Dittrids (7C/A3, 1200m, 36 longueurs, engagement VII). Durant la marche vers notre camp avancé, nous nous sentions vraiment motivés et puissants. Pour la première fois, nous regardions la face avec le réel sentiment de pouvoir la dompter. C'était une journée assez venteuse. Dès notre arrivée, notre moral s'écroule à la vue de notre campement dévasté par la tempête! Nous retrouvons nos 2 tentes arrachées, le matériel dispersé au vent (vaisselle, caméra, le jarango de Nico, les vêtements, etc.). Ces tentes, on les avait pourtant attachées dans des rochers, protégées par des murs de pierre!!!
L'inquiétude et la tension montent... que manque-t-il? Nous reste-t-il assez de matos pour continuer? Tout est tellement dispersé... pfff... Courageusement, nous commençons à tout rassembler sous un vent si fort que tenir debout reste difficile. Le bilan sera relativement lourd : le jarango de Nico est brisé en morceaux, nos 2 tentes sont irrécupérables, les vêtements sont trempés, la vaisselle et la nourriture sont éparpillés au vent, nos radios ne fonctionnent plus, la caméra est mouillée et le sac de couchage ainsi que la housse bivouac de Mike ont disparu, envolés. Plus de 2000 euros de dégâts... PAF! C'est la leçon, le coup de buffle droit au coeur... la Patagonie nous apprend.

Terré, à l'affût!

The TowersTenter Riders est-il encore possible? Devons-nous redescendre? Rester, OK, mais où se réfugier par ce temps, où laisser le matos?..... Olivier avait trouvé refuge dans une petite cavité sous un gros bloc de granite et laissé du matos qui n'avait pas bougé. Seulement, il n'y a pas de place pour 4 personnes. Après avoir cherché d'autres endroits en vain, nous réalisons que le seul moyen est de creuser cette grotte pour permettre à 4 personnes de s'y réfugier. Un nouveau souffle redynamise le groupe. Vaillament, nous nous lançons dans l'aménagement d'un nouveau camp avancé : "el campo belga!" Nous travaillerons comme des taupes pendant 2 jours à déterrer des blocs de granite et s'arracher les ongles en évacuant de la terre pour transformer cette petite cavité en un terrier 4 étoiles! De plus, Mike obtiendra des gardes du Parc le prêt d'un sac de couchage, surmontant ainsi un obstacle essentiel à la suite de l'expédition. Nous voilà bien installés [Pour tout vous dire, notre terrier nous a paru plus confortable que les tentes ;-)]. On prend le taureau par les cornes, on le retourne, et on attaque! YAH!

La longue course vers le sommet

On voulait vraiment tenter Riders et le moral est vite remonté. Le jour suivant, Oli et Seán grimpent les 6 premières longueurs pendant que Mike et Nico commencent à monter les sacs. Cette fois, ça y est, on est dedans! Nous arriverons 2 jours plus tard au camp 13 après une grosse journée de plus de 24h et avoir hallé (hissé) plus de 200 kilos de matos, nourriture et eau. Le camp 13 est une petite vire enneigé au dessus de laquelle on pourra installer nos portaledges (lits supendus). Cette première partie de la voie (càd les 13 premières longueurs) fut déjà très alléchante. Chacun a pu s'exprimer dans de belles dalles en granite qui offraient des longueurs d'escalade technique et engagée. Nous voilà isolés et complètement engagés dans la voie.

The team

Nous savons que nous n'avons qu'une chance pour atteindre le sommet, le point de non-retour est dépassé. Le surlendemain de notre arrivé au camp 13, le beau temps permettre à Nico et Mike d'avancer jusqu'à la longueur 18. L'escalade est vraiment extraordinaire et pure. La voie nous offre un panel de longueurs variées. Tantôt il s'agira d'un dièdre élargi aux adhérences délicates sur réglettes franches, tantôt nous avançons dans des fissures aux dülfers ennivrants, ou aux "offwith" et cheminées épuisants. Quel régal! C'est après 2 jours d'attente d'un bon créneau météo que Oli et Seán pourront avancer jusqu'à la longueur 25, c'est-à-dire la sortie du fameux toit. Cette partie de la voie (L13 jusque L25) est vraiment extraordinaire, quelle chance! Les talents techniques de Seán et son audace lui ont permis de surmonter une cheminée rendue presque ingrimpable à cause des coulées de glace qui s'y étaient accumulées. Quant à Oli, il a gravi de très belles lignes de fissures aux prises pas toujours fiables, ce qui a permis à nos deux compères d'arriver à la sortie du toit en fin de journée sous une tempête de neige qui a accéléré la descente... Bonne journée!

Waiting on the tower

Passer le toit signifiait pour nous que le prochain créneau météo serait celui du push au sommet. Nous patienterons 3 jours dans nos portaledges dans le froid, le vent et la neige, jouant aux cartes, fêtant l'anniversaire de Seán, chantant et jouant de la musique. Chaque soir, nous allions dormir tôt et nous nous levions systématiquement à 2h, 4h et 6h du matin pour voir si la météo nous permettait de partir. Il fallait commencer à se rationner efficacement et combler le manque d'eau en fondant de la neige.

The roof

Le 8 février, le réveil sonne à 2h... le ciel est saturé d'étoiles! Ce fut notre lever le plus rapide. Surmotivés, nous nous lançons pour le push au sommet! yah! 2 cordées : Oli et Nico entament le remontée au jumar jusqu'à la sortie du toit (car ce sont eux qui attaquent de L25 à L31) pendant que Seán et Mike grimpent le toit pour enchaîner cette longueur mythique. Nico grimpera en libre 3 longueurs d'affilée avec des parties en neige et glace délicates, tandis qu'Oli avancera en artif dans des fissures déversantes pas faciles et en mauvaises conditions (coulées de glace, douche froide, neige et stalactites feront partie du gratin). La stratégie est efficace et le travail d'équipe fonctionne bien.
Vers 13h, ce sont Seán et Mike qui entament le dernier morceau jusqu'au sommet. L'envie d'arriver et un élan de motivation permettront à Mike d'enchaîner rapidement les 3 longueurs suivantes. Il passera une belle plaque de neige, aidé par les bottines, crampons et piolet emportés "au cas où". Pour la fin de la voie, Seán engagera les dernières longueurs jusqu'au sommet, avançant prudemment dans la roche délitée. Il y arrivera vers 19h, après une dernière longueur en dalle aléatoire et peu évidente (plaques de neige). A 19h31, l'équipe "Patagonia Dreams" au complet était au sommet, tous vraiment heureux d'avoir réalisé un rêve et vécu cette aventure.

Une descente dantesque

Torres del PayneLa descente fut longue car nous dûmes descendre pour éviter que les cordes ne se coincent trop dans les fissures. Deux fois, nous devrons regrimper pour aller les récupérer. Nous arriverons au camp 13 vers 2h du matin, harassés mais hyper contents.
Le lendemain, on se réveillera dans le brouillard complet et couverts de neige : c'est la tempête! vaya vaya! Le jour suivant, le beau nous permet de retourner défaire les cordes fixes et resavourer les plus belles longueurs... hé hé. Nous démonterons le camp et redescendrons le même jour car nous voulons profiter des bonnes conditions tant qu'elles sont là. En effet, en Patagonie ça change tellement vite qu'il vaut mieux y aller quand il fait beau. La descente en rappel s'avérera plus dangereuse que ce à quoi nous nous attendions. En effet, nous avons dû descendre sur des relais peu fiables, alourdis par nos sacs pleins à craquer. Enfin, nous sommes restés très prudents, et nous arriverons soulagés au "campo belga" vers 4h du matin, n'étant toujours pas certains d'avoir utilisé la bonne ligne de rappels. Encore une belle grosse journée comme on les aime! En effet, après la descente en rappel délicate, nous dûmes retraverser le glacier dans le noir et lourdement chargés par la moitié du matériel (l'autre moitié étant restée au pied de la voie). Celui-ci avait tellement bougé durant ces 11 jours d'ascension qu'on a dû se frayer une nouvelle trace entre les crevasses fraîchement ouvertes. Ca n'a pas été facile!
Après s'être cuisiné un bon repas, nous allons dormir. Il est 6h du matin. Nous entamerons la descente le lendemain. Il nous faudra 2 jours pour arriver à l'entrée du parc et reprendre le bus jusque Puerto Natales, épuisés d'avoir effectué des aller-retours pour transporter nos hallbags bourrés de matos. Et voilà, nous sommes arrivés hier soir, et nous voilà aujourd'hui sur internet pour vous raconter tout ça. Demain, on se met en route pour el chálten... à suivre!

L'EQUIPE PAS D'AGONIE DREAMS

 


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