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Klimmalaya 2006

Ascension du Kao-Rong II

20 mars 2007, 

En août 2006, six jeunes de l'équipe Klimmalaya entreprirent de se lancer dans une expédition au coeur de l'Himalaya indien. Soutenu par Lut Vivijs et le guide de montagne Jan Vanhees, ils parvinrent malgré le mauvais temps à inscrire le Koa-Rong 2 (6194m) à leur palmarès. L'ascension fut réussie en deux cordées via deux itinéraires différents.

Deux jours de bus... étroit!

Arrivée de l'équipe au complet à Delhi le 1er août. Deux jours de bus nous amènent sur le plateau qui doit nous conduire à notre camp de base. Celui-ci est tout trouvé une journée plus tard lorsque nous arrivons sur une moraine de glacier à environ 4800m. Un peu d'acclimatation et nous nous lançons quelques jours après dans la reconnaissance du glacier qui devra nous amener au pied de la chaîne Koarong. L'approche sur la moraine est pénible mais nous parvenons enfin à poser les pieds dessus. A partir de là, l'évolution est plus facile. A 5100 mètres nous décidons de faire un premier dépôt de matériel qui nous permettra par la suite de disposer d'un endroit accessible pour ravitailler nos camps d'altitude. Nous n'avons pas compté le nombre de trajets entre le camp de base et ce dépôt. Cela ne nous a toutefois pas empêché de marquer le chemin le plus facile sur la moraine au moyen d'étendards.

En dessous du camp 2

Les premiers doutes sur les conditions météo apparaissent: il a plu chaque jour depuis notre arrivée dans le secteur et la visibilité est plus que limitée. Au final nous n'avons pas encore vu grand chose des montagnes que nous devons gravir? Dans l'attente d'un bon créneau météo nous nous rabattons sur des randonnées d'acclimatation sur des montagnes de difficulté plus accessible (jusqu'à 5600m) aux alentours de notre camp de base. Le 10 août, nous pouvons enfin dépasser notre dépôt. Après l'escalade d'une cascade de glace nous avons enfin le plaisir de monter nos tentes d'expédition. On se trouve à 5600 mètres d'altitude, notre camp 2. Le glacier n'est pas particulièrement plat. Nous nous trouvons donc obligés d'utiliser nos pelles afin d'aménager le petit plateau qui habritera nos tentes. A cette altitude, c'est un vrai calvaire et chacun d'entre nous est satisfait lorsqu'il peut enfin s'allonger dans sa tente. Qui sait peut-être pourrons-nous tenter un essai le lendemain? Le temps vire au détestable à l'heure du dîner et nous sommes obligés de remballer nos cliques et nos claques pour le camp de base. Un jour de repos bien mérité s'offre à nous. S'en suit une nouvelle remontée vers le camp 2. Cette fois-ci, les dieux de la météo semblent être avec nous. Le 15 août nous pouvons enfin débuter l'ascension tant attendue. Après trois heures nous parvenons au col entre le KR2 et le KR3. Nos plans prévoyaient l'ascension du KR3 mais les pentes sont manifestement escarpées et nous décidons de nous rabattre dans un premier temps sur le KR2.

KR3 en perspective

La cordée de Jan, Lut, Stijn VR et Benny choisit de tenter le sommet par le côté Sud-Est. Stijn VDD, Wim et moi pensons quant à nous que le Sud-Ouest pourrait être plus facile. Nous optons donc pour cette voie, notre première expérience au-delà de 6000m. La première partie consiste en une traversée sous la montagne. Nous avançons rapidement même si j'ai l'impression que c'est à pas de tortue. En oblique derrière nous l'autre cordée. Elle progresse déjà sur la voie Sud-Est. D'ici nous avons un beau point de vue sur l'itinéraire que nous devons emprunter. Les doutes affluent néanmoins dans nos esprits: avons-nous bien fait d'opter pour ce côté de la montagne? Un peu plus loin la rimaye qui se présente à nous fait ressurgir nos appréhensions. Wim et moi donnons du mou à Stijn et nous nous tenons prêts à parer toute chute éventuelle de sa part. Il progresse tout doucement pendant que nous gardons un oeil sur la corde. La neige semble très instable mais ça passe tout de même. Un morceau plus raide suit la rimaye: nous nous assurons court et progressons facilement. Heureusement, car l'altitude se fait de plus en plus sentir. Nous essayons de faire attention à notre respiration et d'adopter un rythme adapté sans pour autant tomber dans le rouge ou grimper en anaérobie. Cela n'empêche, nous sommes obligés de prendre une pause de temps en temps. Ici, l'escalade est différente de celle des Alpes. Du col au sommet il n'y a "que" 400 mètres à gravir. Dans les Alpes une ascension d'un niveau comparable serait faite sans repos et en une petite heure. Pas vraiment le cas ici.

Escalade sur le col entre KR2 et KR3

La deuxième difficulté pointe le bout de son nez: un gendarme composé de rochers instables nous barre le chemin. Nous décidons de le contourner par la droite et tombons dans une couche de neige profonde malgré la pente raide. La prudence est de rigueur et nous sommes très concentrés. Depuis quelques temps nous nous demandons si le point le plus élevé est bien le sommet, à moins que ce ne soit qu'un sommet avancé et qu'un morceau de plus nous attende après. D'ici nous en concluons qu'il s'agit du sommet définitif et nous n'en sommes pas mécontents, malgré la beauté de l'ascension. Nous parvenons finalement au sommet: 6194 mètres. Bien que l'ascension ait été intégralement faite dans la neige, nous atteignons un sommet en roche dure. Stijn et moi amassons quelques jolis cailloux et les embarquons dans nos sacs, toujours en train de revivre cette ascension fantastique. Nous remarquons au passage qu'il y a autre sommet et que nos compagnons se trouvent dessus. Nous nous rejoignons et nous congratulons à l'intersection des deux (avec les félicitations, tapes sur l'épaule et émotions de rigueur). La descente se fera par l'arête Sud-Ouest vu que l'arête Sud-Est pointe jusqu'à 55° d'inclinaison et que ce côté est moins pentu.

Le sommet du KR2

Celle-ci se passe plutôt bien malgré les mauvaises conditions de neige. Certains d'entre nous ont remarqué que les failles dans le glacier constituent des dangers réels mais on peut toujours compter sur ses coéquipiers. Quelques heures plus tard, nous nous retrouvons tous couchés dans nos abris où nous tentons de récupérer un maximum des efforts encourus.
La cordée de Jan, Lut, Benny et Stijn VR décide de redescendre au camp de base tôt le lendemain. Pas question selon eux de rester plus longtemps dans les parages avec ces conditions météo et de neige. Stijn VDD, Wim et moi-même patientons encore un peu dans l'espoir de tenter l'une ou l'autre ascension. Nous restons encore une nuit au camp 1 en pensant pouvoir remonter ensuite. Nos réveils sont programmés au plus tôt. Nous espérons ainsi bénéficier de meilleures conditions de neige par basse température. Nous passons nos têtes par l'échancrure de nos tentes et nous apercevons que le ciel est complètement bouché. Des nuages bas assombrissent nos perspectives. Une heure plus tard, le réveil sonne à nouveau et le scénario se répète. Et une heure après de même. Nous en concluons que d'ascension il n'en sera pas question aujourd'hui. Retour donc au camp de base pour un bon repos et les somptueux repas préparés par notre chef coq. Un jour et demi plus tard, nous redémarrons direction le camp 2.

Le lendemain nous sommes debout à 2h et arrivons au col vers 5h30. L'ascension de l'impressionnant KR3 commence. Le passage par les deux premiers sommets adjacents se fait au prix d'un combat contre une pente de neige fort escarpée. Le soleil perce maintenant à travers les nuages, avec toutes les conséquences néfastes sur les conditions d'enneigement. Nous commençons sérieusement à douter. La dernière partie est plutôt raide (plus de 60°) et par ces conditions, impossible de placer une vis à glace. Conséquence, chaque pas de travers peut être fatal et notre courage s'en ressent. Après un rapide conciliabule, nous décidons de faire demi-tour. La perspective de devoir descendre par le même chemin sans aucun point d'assurage a sonné le glas de notre tentative. Bien que nous soyons tous convaincu que le choix était le bon, la déception est immense. Le sommet semblait si près et nous clignait de l'oeil. La descente vers le col se fait en silence. Chacun s'est réfugié dans ses pensées avec le même sentiment. Nous avons expérimenté en live les enseignements de Confucius: que l'expérience est la façon la plus amère d'apprendre (à côté de l'imitation qui est la façon la plus facile et de la réflexion qui est la façon la plus noble).

Grâce à notre départ nocture nous nous retrouvons à 8h du matin au col. Nous décidons de tenter à nouveau le KR2 même cette fois-ci par la voie empruntée par nos compagnons il y a quelques jours. Malgré la difficulté (du fait de la combinaison avec la tentative du KR3) nous en profitons un maximum. L'ascension via la pente à 55° nous donne l'impression que nous essayons quelque chose d'assez technique, ce qui était notre objectif. Il fait beau, le ciel est dégagé et nous restons longtemps au sommet. C'est là que nous nous décidons sur ce que nous allons faire les prochains jours. Les conditions difficiles et le fait que nous soyons que 3 (sans autre expédition ou cordée dans les parages) se font ressentir et nous amènent à couper le cordon. Nous prenons la décision de ne plus tenter d'ascension par la suite. Nous démontons le camp 2 le lendemain et entreprenons notre dernière descente vers le camp de base.

Un trekking époustouflant à travers le Chandratal nous ramène dans le monde civilisé après deux jours de marche intense.

Brenda De Fré

Plus d'info

www.klimmalaya.be

Douche au camp de base

Partenaires de l'expédition

The North Face, Alitalia, Five Ten, Kariboe, Grivel, Namaste Alpinisme, Foto Nelissen, Avventura, Haglöfs

 


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